Le mois de février 2025 a vu une forte montée des protestations en Tunisie, selon le rapport du Observatoire social tunisien relevant du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). Au total, 427 mouvements sociaux ont été recensés, marquant une augmentation spectaculaire de 138,5 % par rapport à février 2024, où seulement 179 mouvements avaient eu lieu.
Les revendications des protestataires en février ont été variées, mais ont principalement porté sur les conditions économiques et sociales précaires. Les jeunes diplômés sans emploi ont intensifié leurs manifestations pour demander des solutions pour leur insertion professionnelle, notamment par le biais de décrets permettant leur intégration dans la fonction publique. De plus, des enseignants et des travailleurs de divers secteurs, ayant déjà obtenu des avancées mais se heurtant à des obstacles administratifs, ont réclamé l’achèvement des processus de régularisation de leur statut professionnel. Les mouvements sociaux ont également été portées par des travailleurs précaires, notamment ceux des chantiers et des centres pour personnes handicapées. Ils ont exprimé leur mécontentement face à la lenteur des réformes et des décisions administratives.
En outre, plusieurs grèves et manifestations ont eu lieu dans des secteurs stratégiques tels que le secteur postal, les enseignants des écoles primaires, ainsi que les employés des ministères de la famille, des femmes, de l’enfance et des personnes âgées. Les enseignants ont particulièrement exigé l’adoption de lois pour protéger les travailleurs de l’éducation, notamment face aux agressions, et la mise en œuvre d’accords syndicaux en suspens.
La mobilisation sociale se diversifie
Le mois de février a aussi été marqué par des manifestations de familles de disparus dans des opérations de migration clandestine. Lesquelles exigent la formation d’une commission pour déterminer le sort de leurs proches. Les habitants des zones périphériques du mont Chaâmbi ont également protesté pour demander des alternatives économiques afin de les protéger des dangers liés aux mines terrestres.
D’autres revendications concernaient les conditions de vie, telles que l’approvisionnement en eau potable, la qualité des infrastructures routières, ainsi que l’amélioration des services publics. Par ailleurs, la question du droit à la santé et à l’éducation a été au cœur de nombreuses revendications, tout comme la lutte contre la pollution marine et la dégradation des ressources naturelles.
Une mobilisation numérique en croissance
Bien que 93 % des protestations aient eu lieu dans l’espace public, une tendance se dégage concernant l’usage des plateformes numériques pour les revendications. En effet, 7 % des mouvements ont été initiés en ligne, une proportion en hausse par rapport aux années précédentes.
Les principaux secteurs concernés par les protestations
Les demandes relatives à la régularisation des situations professionnelles et au droit au travail ont dominé les manifestations, représentant près de 50 % des mouvements. Viennent ensuite les revendications liées à la dégradation des services publics (approvisionnement en eau et en électricité, amélioration des infrastructures) qui ont représenté près de 30 % des protestations. Les mouvements ayant trait aux droits humains et aux libertés, en particulier la libération des journalistes et la contestation des décisions judiciaires, ont constitué environ 20 % des protestations.
Les données régionales et sectorielles
En termes géographiques, la capitale Tunis a été la zone la plus touchée par ces mouvements avec 138 actions de protestation, soit près d’un tiers du total national. Elle est suivie par les gouvernorats de Tataouine (40 protestations), Manouba et Kairouan (25 actions chacun). D’autres gouvernorats comme Sidi Bouzid, Gafsa et Kasserine ont également enregistré des chiffres significatifs de mouvements sociaux.
Formes de protestation et acteur sociaux
Les formes de protestation utilisées ont été diverses. Les grèves ont été les plus courantes, représentant 162 mouvements, suivies des sit-in et marches pacifiques, qui ont concerné 78 actions. L’usage de la grève de la faim a aussi été significatif, avec 61 actions. Ce qui témoigne d’un climat de frustration croissante parmi les protestataires.
Les protestations ont été organisées par un large éventail d’acteurs sociaux, dont des travailleurs, des étudiants, des journalistes, des associations de droits humains et des familles de disparus. La participation féminine a été notable, même si la majorité des protestations ont impliqué des hommes.
Les cas de violence et de suicide
Le mois de février 2025 a également été marqué par plusieurs incidents violents et tragiques. Dix cas de suicide ou de tentatives de suicide ont été enregistrés, dont cinq ont pris la forme d’actes protestataires. Les raisons évoquées pour ces actes incluent des conditions économiques difficiles, des mauvais traitements dans les centres de détention, ainsi que des problèmes familiaux.
Les actes de violence ont été également nombreux, avec 33,33 % des cas enregistrés liés à des agressions physiques. Des meurtres, des tentatives de meurtre et des actes de vol ont aussi été signalés, touchant particulièrement des femmes et des enfants.
La quête des solutions efficaces
Les mouvements sociaux en Tunisie en février 2025 témoignent d’une société profondément en quête de solutions aux problèmes économiques, sociaux et politiques. La répression des droits fondamentaux, la gestion des services publics et les inégalités persistantes sont au cœur de ces protestations, qui s’intensifient face à la stagnation des réformes et à un climat de mécontentement croissant.