La démarche adoptée par le gouvernement de Hichem Mechichi pour résoudre la crise d’El Kamour a certes abouti à la levée du sit-in des protestataires et à la reprise des activités des sociétés pétrolières. Mais, redoutent certains observateurs, elle risque d’ouvrir la porte aux revendications d’autres régions déshéritées. Ravivant ainsi les braises du régionalisme.
L’encre de l’accord d’El Kamour n’a pas encore séché que déjà les sirènes du régionalisme sonnent dans certaines régions déshéritées. A l’instar de Kasserine, de Tozeur, du Kef et de Siliana. A l’image de Kairouan dont les habitants menacent de déclencher une grève générale. Et ce, si leurs revendications à un meilleur partage des richesses n’étaient pas prises en compte.
« Mépris délibéré »
En effet, le SG de l’Union régionale du travail de Kairouan, Saïd Seboui, souligne qu’une vague de mécontentement et de colère souffle sur la région; en réaction au récent discours du Chef du gouvernement.
Car, « Mechichi a cité plusieurs gouvernorats qui selon lui nécessitent désormais plus d’attention, de projets et de développement; et une intervention similaire à celle d’El Kamour. Sans pour autant évoquer Kairouan. Par conséquent, les citoyens de ce gouvernorat ont estimé qu’il s’agit d’un mépris délibéré. Et d’une politique sélective visant à satisfaire certaines régions au dépens d’autres ».
Ainsi, martèle-t-il: « Kairouan connaîtra bientôt de nombreuses grèves dans divers secteurs; tels que la santé et l’éducation. En plus de la préparation d’une grève générale en coordination avec les composantes de la société civile et les organisations de défense des droits de l’Homme ». Le responsable syndical apportait ces précisions, hier, sur les ondes de Mosaïque FM.
« Solutions palliatives »
De même, ces accords arrachés aux biceps ne font pas l’unanimité au sein de la classe politique.
Même si les sociétés pétrolières ont repris leurs activités depuis samedi dernier. En réagissant positivement au communiqué de la Présidence du gouvernement du 6 novembre courant. Lequel annonçait une solution définitive à la crise d’El Kamour et la levée du sit-in observé dans la région.
Cependant, le SG d’Attayar par intérim, Ghazi Chaouachi, estimait que les solutions gouvernementales à la crise d’El Kamour n’étaient que « palliatives ». Et que les habitants de la région pourraient de nouveau refermer la vanne de pompage du pétrole.
D’ailleurs, lors de son intervention hier mardi sur les ondes de Shems FM, Ghazi Chaouachi relevait que l’accord signé entre le gouvernement et la coordination d’Al Kamour, « ne sert ni les intérêts de la région ni ceux du pays. Il ne résout nullement les problèmes réels ».
« Ces mesures servent uniquement à calmer les habitants sur le court terme. Sans pour autant résoudre le problème d’une manière radicale […] Je ne suis pas contre ces décisions, mais je m’oppose à celles improvisées. A moyen et long termes, ces décisions nuiront à l’économie bien plus qu’elles n’y seront bénéfiques ». C’est encore ce qu’affirme l’ancien ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières.
« La démarche d’El Kamour sera généralisée »
Alors, dans un souci évident de calmer les esprits surchauffés, la présidence du gouvernement s’est précipitée pour expliquer, via un communiqué rendu public mardi 10 novembre 2020, que Hichem Mechichi, chef du gouvernement a assuré « que la démarche adoptée pour résoudre la crise d’El Kamour sera généralisée pour les autres régions, sans exception ».
En outre, le communiqué poursuit: « Les problèmes de développement concernent toutes les régions du pays. Et tous les citoyens ont le droit de vivre dans de meilleures conditions. La santé des Tunisiens et leur droit à l’emploi et l’investissement dans tous les gouvernorats constituent des priorités. »
« Il n’y a aucune forme de discrimination entre les citoyens ». C’est ce qui est encore souligné. Tout en expliquant que dans son intervention, le chef du gouvernement « n’avait fait que citer quelques exemples ».
« Ayant réussi à trouver un accord final engendrant la résolution définitive du problème d’El Kamour, le Chef du gouvernement s’est félicité d’avoir pu résoudre ce problème, qui dure depuis plusieurs années, en misant sur la stratégie de dialogue », conclut la même source.
Menaces
Soulignons pour conclure que la stratégie gouvernementale ne fait pas l’unanimité chez de nombreux observateurs. Car, ils redoutent que l’emploi de cette méthode ouvre la boîte de Pandore au régionalisme et aux revendications anarchiques; dans un contexte où l’économie du pays est en lambeaux.