Les banques maghrébines évoluent vers un nouveau modèle de banque inclusive. Affirme le Pr Dhafer Saidane, à Skema Business School, lors de la présentation du rapport annuel de l’Union des banques maghrébines. Ce rapport revient sur les systèmes bancaires et financiers maghrébins.
D’emblée, l’intervenant annonce que le but de ce rapport consiste à valoriser ce rôle et à mettre l’accent sur cette implication des banques maghrébines à travers les efforts d’innovation, d’accompagnement, de conseil, de sécurité et de conformité, de bancarisation, d’intégration régionale et de responsabilité sociale et environnementale.
Lors d’un séminaire organisé pour la présentation du rapport, Dhafer Saidane soutient que les banques vont connaître des changements importants. Certains de ces changements sont d’ailleurs en cours. Ils s’appuient sur de nouveaux investissements substantiels en matière de communication et marketing, systèmes d’informations et conformité. Le spécialiste recommande à ce que “le modèle en éclosion reste centré autour de l’entreprise”.
Il s’agit, entre autres, du crédit bancaire étant le moteur de la croissance économique et la banque son générateur. Par ailleurs, il rappelle le rôle crucial des banques maghrébines dans la dynamique de croissance industrielle et commerciale.
Revenant sur les grandes tendances de l’environnement bancaire maghrébin, l’économiste affirme que la croissance annuelle moyenne du PIB au Maghreb est de l’ordre de 3.8% pour l’année 2018. Il considère que c’est une croissance soutenue malgré un contexte international mouvant.
Par ailleurs, la possibilité de l’amélioration est toujours possible. Car “elle peut être améliorée par le renforcement de la profondeur du marché maghrébin conditionnée par une intégration régionale plus soutenue et aux économies d’échelle qui en résulteraient”.
Dans le même contexte, Dhafer Saidane affirme que des banques maghrébines figurent parmi le Top 10 des banques africaines. D’ailleurs, en 2018, le paysage financier maghrébin était composé de 211 institutions financières bancaires et non bancaires dont 102 établissements bancaires.
Dhafer Saidane pointe du doigt un gisement de services important à offrir que les banques maghrébines sont capable d’offrir. En effet, seulement 4% des clients utilisent le téléphone portable ou internet pour accéder à leur compte. Et seulement 24% ont utilisé des paiements numériques. D’où l’importance de travailler encore sur la digitalisation des services bancaires.
Autre point important dans le parcours des banques maghrébines. En effet, dans les 5 pays de l’UMA des mesures fortes ont été prises pour renforcer les liens entre les PME et les banques (Caisses de garanties, Centres d’affaires, taux bonifiés…). De plus, le rôle des banques demeure crucial en matière de financement de l’entreprise. Car, le crédit bancaire est la source de financement principale à plus de 90%. En plus, en moyenne, le ratio du crédit bancaire destiné au secteur privé a augmenté sur la dernière décennie pour atteindre 43% du PIB.
Aux grands maux les grands remèdes
Par ailleurs, plusieurs phénomènes portent atteinte à l’économie maghrébine. Dont l’économie informelle qui accapare 50% du PIB de la région. Un indice de corruption qui donne à réfléchir: 114 en 2012 à 113 en 2018. A cela s’ajoute la fraude et l’évasion fiscale. Sans oublier la problématique du decashing et le blanchiment d’argent.
L’intervenant affirme dans le même contexte, que les pays maghrébins ont pris plusieurs mesures pour lutter contre ce phénomène. Equité et bonne répartition de la charge fiscale, modernisation de la législation fiscale, instauration de Centrales de lutte contre la corruption et mesures draconiennes contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Le professeur soutient que les banques au Maghreb en se mettant au service de l’inclusion financière offriront des services à un coût abordable à une masse de clients en butte à des difficultés pour l’obtention d’un financement. Pour lui, cela pourrait contribuer à la croissance du chiffre d’affaires pouvant atteindre plus de 30 milliards USD pour l’ensemble du marché bancaire de la région.
Les banques sont aussi une voie pour l’intégration maghrébine
Les banques maghrébines sont aussi un vecteur de croissance. Elles tentent de réduire les contraintes à l’intégration économique. “Elles valorisent des mouvements financiers et bancaires transfrontaliers notamment en essayant de favoriser des conventions intra-maghrébines de paiement en monnaie locale”, lance-t-il.
Le numérique, ce défi que les banques maghrébines doivent relever
En effet, les caractéristiques des ménages maghrébins entravent la digitalisation. Pour illustrer ses propos, l’intervenant de ne manque pas de citer un certain nombre d’exemple. A titre d’exemple, plus de 90% des transactions entre individus au Maghreb se font en espèce. Et Seulement 5% de la population maghrébine utilise les services financiers numériques en dehors des recharges mobiles. A cela s’ajoute le fait que du cash et contact humain sont des habitudes bien ancrées dans la région. Pour l’intervenant, l’auto-formation, l’essor du e-learning et des Moocs, réduit la fracture numérique. Il soutient également que le Maghreb a besoin d’argent et des prêteurs de garanties, mobilières ou immobilières. La blockchain est la meilleure solution pour apporter la confiance qui manque aujourd’hui.
Parlons RSE
Dhafer Saïdane soutient que les banques maghrébines s’efforcent d’établir une relation durable et de confiance avec leurs clients. Elles proposent des produits et des services accessibles et adaptés qui protègent leurs intérêts. Ces produits visent une action éthique avec l’ensemble des parties prenantes grâce à des politiques sociales fondées sur la préservation de leur santé, de leur sécurité et de leur développement professionnel.
Il affirme qu’une série de mesures a été prise afin de respecter l’environnement. Notamment la mise en œuvre d’une politique de financement engagée en faveur d’une économie verte et de la transition énergétique.
Un rapport articulé autour de cinq axes
Le président du Conseil d’administration de l’Union des banques maghrébines, Ahmed El Karm, affirme que ce rapport retrace l’activité du secteur bancaire dans les pays maghrébins. En effet, le rapport de 2018 dégage cinq axes majeurs.
Le premier axe porte sur l’implication des banques maghrébines dans le financement de l’économie. Pour lui, la preuve en est que le taux des crédits accordés aux entreprises représente 50% du PIB. Il s’agit d’une responsabilité pour les banques. Dans le même contexte, il a considéré que les PME nécessitent un soin particulier sur le plan garantie et soutien financier.
Le deuxième axe porte sur l’inclusion financière. L’intervenant indique que l’Union est en train d’agir avec force pour que le taux de la bancarisation s’élève encore. Actuellement uniquement 40% des Maghrébins majeurs disposent d’un compte bancaire. Pour lui, il s’agit d’un taux faible qui fait dégager un potentiel pour la financiarisation d’une plus grande population à travers les technologies moderne sans avoir à ouvrir un compte bancaire.
Le troisième volet porte sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il indique que toutes les banques agissent contre ce phénomène. L’intervenant affirme également que les banques sont en train d’assumer leur rôle. « Nous aimerions que les gouvernants des pays maghrébins nous aident sur ce volet-là », lance-t-il.
Le quatrième volet porte sur l’application des normes internationale avec, entre autres, les règles de la bonne gouvernance, les accords de Bâle 2 et Bâle 3. Sur ce volet, les banques maghrébines sont déjà au diapason. Le cinquième axe porte sur l’implémentation à l’international. « Nous considérons que certaines banques maghrébine sont en train de se positionner avec force à l’échelles internationales », dit-il. Il indique, par ailleurs, que ces banques sont un exemple à suivre pour les autres banques maghrébines en Afrique.
Ahmed El Karm considère qu’il reste encore beaucoup à faire pour la concrétisation de l’intégration maghrébine. Et de regretter que les échanges entre les pays maghrébins demeurent faibles. Et cela malgré les discours et les bonnes intentions. Par ailleurs, il appelle tous les acteurs concernés à agir pour la concrétisation de l’intégration maghrébine.