Les analystes appréhendent la gestion gouvernementale, en relation avec les attentes populaires. Cas de réussite unique dans l’aire arabe, « la révolte de jasmins » a pris acte de l’habilitation citoyenne et érigé un gouvernement de coalition, répondant aux résultats des élections.
Le nouvel Establishment politique (présidence, gouvernement, parlement) a-t-il pu assurer ‘‘le passage de la démocratie gouvernée, à la démocratie gouvernante’’, selon le concept de Georges Burdeau ? ou du moins, sa gestion a-t-elle créative, dans un univers répétitif ? Quelle est sa doctrine de la réforme ? Fait évident, les espoirs trop élevés engendrent souvent les désillusions les plus sévères.
Une appréciation objective et réaliste atteste la gestion active du gouvernement, l’ouverture des chantiers, le développement de l’infrastructure. Mais son œuvre n’est pas aisée, vu les effets de la crise économique, la paralysie de l’investissement, le secteur sinistré du tourisme et ses effets sur l’artisanat. Les critiques des démagogues sont injustifiées, car on peut difficilement transgresser la pesanteur du contexte, y compris la crise du voisinage et ne perdons pas de vue l’insécurité.
Facteur positif, la stabilité tunisienne, dans une aire affectée par la stratégie du chao. Prenons la juste mesure du travail gouvernemental, qui a assuré la stabilité. Conjoncture difficile, le gouvernent n’arrive pas à réaliser un équilibre entre les exigences sociales et la défense de l’économie de marché.
Condition sine qua none, il faut passer de la connaissance globale de la Tunisie, à la connaissance des Tunisiens et des attentes des différentes compositions sociales. Rappelons la défense des chômeurs que les syndicats ne représentent pas. Erigeons en priorité les problèmes des jeunes que les apparatchiks vieillissant représentent encore moins. D’autre part, dépendant de ses acteurs, la « révolution » tunisienne a opté pour l’idéologie libérale.
La gauche radicale n’émerge pas en Tunisie et dans l’aire arabe : Le Front populaire et Al-Massar sont réduits au rôle de junior partners. L’islam politique a siphonné l’électorat populaire. Conséquence de la désillusion, cette gauche souhaite retrouver son bonus militant. Nidaa tounes ne peut plus – conséquence de sa crise et du combat de ses chefs – compter sur l’adhésion minimale de son électorat de base. Son soutien au gouvernement est évident. Il n’est d’ailleurs pas en mesure de façonner une majorité réformatrice de substitution. En d’autres circonstances, ce constat d’évidence pourrait susciter un réflexe de cohésion autour du président.
Mesure surprenante, le ministre des Affaires sociales, à la recherche d’expédients, propose de baisser la pension des retraités. Leur non-affiliation dans des syndicats réduirait leur résistance. Or, la retraite n’est pas un salaire, mais plutôt un système de rente dit « contributif » : cela veut dire que les retraités touchent une pension qui est proportionnelle au montant des cotisations qu’ils ont versées au cours de leur carrière, soit leur contribution au système. Ces cotisations sont prélevées sur les salaires, et la retraite dépend ainsi de l’activité professionnelle, au cours de la vie. En tant que telle la retraite est un droit, que les affiliés ont payé. Comment peut-on songer à remettre en cause une mesure de sécurité sociale et de solidarité intergénérationnelle ?