Durant cette période, l’information financière est abondante. Les sociétés cotées sont tenues de publier leurs états financiers 2023 et les indicateurs d’activité du premier trimestre 2024. Les investisseurs n’ont pas l’habitude de s’arrêter trop sur les détails et se contentent du résultat et du dividende. Mais les bilans contiennent des informations précieuses pour ceux qui veulent vraiment investir et comprendre la dynamique de l’économie. C’est aussi le cas pour la BNA Bank.
Mardi 16 avril 2024, le plus grand prêteur en Tunisie, la BNA Bank, a annoncé ses résultats. Au-delà de son excellent résultat de 190,013 MTND et d’un dividende de 0,900 TND par action, cinq points clés sont à retenir.
La BNA, une banque publique à vocation agricole
Le premier concerne les crédits accordés par la banque au profit du secteur agricole. Récemment, elle a été fortement critiquée pour son manque de soutien à ce secteur alors que son nom lui donne, par défaut, cette vocation.
Fin 2023, les engagements bruts agricoles ont totalisé 1 150,727 MTND, soit 7,1 % de ses engagements totaux. En 2022, cette proportion était de 6,8 %.
A première vue, cela est faible. Néanmoins, il faudra bien penser aux autres sociétés qui tournent autour du thème agriculture, l’Office des céréales et celui de l’huile pour comprendre qu’il s’agit bien du premier appui aux professionnels de ce secteur.
Il faut noter qu’au 19 décembre 2023, l’Etat a procédé au règlement partiel de la dette de l’Office des céréales envers la BNA pour un montant égal à 850 MTND.
Selon les données de la banque, les engagements sur les entreprises publiques ont totalisé 6 442,355 MTND, dont 5 070,054 MTND sur l’Office des céréales et 217,650 MTND sur l’Office nationale de l’huile. L’ensemble de ces prêts bénéficie d’une enveloppe de garanties de l’Etat à hauteur de 5 941,060 MTND, et d’autres garanties de 115,650 MTND.
Et puisque nous sommes dans le thème des entreprises publiques, il faut noter qu’au 19 décembre 2023, l’Etat a procédé au règlement partiel de la dette de l’Office des céréales envers la BNA pour un montant égal à 850 MTND. Ce montant a été investi par la BNA dans la souscription à des Bons du Trésor Assimilables remboursables sur 10 ans. C’est une excellente idée, gagnant-gagnant. L’argent restera toujours dans les caisses de l’Etat, mais comptablement, il y a bien une différence. C’est un bon moyen pour régulariser les créances de ces entités envers les banques.
Par ailleurs, les créances agricoles abandonnées sur des crédits octroyés sur les fonds propres de la banque, dans le cadre de l’opération de prise en charge par l’Etat de créances prévue par différentes lois de finances 2014, a totalisé 25,533 MTND au titre de l’exercice 2023, portant de la sorte le total à 90,446 MTND.
Pressions sur la qualité de l’actif, mais excellents ratios prudentiels
La qualité de l’actif de la banque a perdu des points en 2023. Le taux des créances classées est passé à 19,49 %. Il y a eu un mouvement concomitant de baisse des créances courantes (classe 0 et 1) de 4,6 % à 13 725,917 MTND contre une augmentation de celles classées (classes 2, 3 et 4) de 23,2 % à 3 322,555 MTND. Les créances de la classe 4 ont totalisé 2 905,456 MTND. La banque doit mettre davantage l’accent sur sa politique de recouvrement, ce qu’elle fait déjà via sa filiale SOFINREC.
En matière de respect des normes prudentielles, le ratio de solvabilité s’est élevé à 21,45 %, en amélioration de 170 points de base par rapport à 2022, et contre un minimum réglementaire de 10 %. Quant au ratio Ter I, il est de 17,78 %, contre 15,62 % l’année d’avant et un minimum exigé de 7 %. Cela a permis à la BNA de distribuer des dividendes sans aucune contrainte.
Un investisseur de premier plan
En ce qui concerne l’investissement, la banque a mis à la disposition des SICAR un encours de 507,210 MTND. Les provisions constituées sur ce portefeuille s’élèvent à 77,809 MTND. Cela prouve que la BNA participe activement à l’investissement privé même hors circuit bancaire classique. Certes, cela est motivé par des considérations fiscales, mais les autres pistes profitables de placement sont disponibles.
La banque est active aussi en Bourse, avec un portefeuille d’actions cotées de 156,807 MTND. De plus, elle dispose d’un portefeuille de BTA d’investissement d’une valeur nette de 4 301,524 MTND.
Malgré tout, la BNA demeure un joueur clé de l’industrie bancaire en Tunisie… En même temps, cela permet aux citoyens de bénéficier des services publics et d’avoir un accès à une alimentation de base à bas prix. Indirectement, c’est une banque à vocation social, par défaut.
Un établissement commercialement agressif
Si elle est le premier prêteur, la BNA a aussi un encours important de dépôts de 11 083,086 MTND, avec au passage 816,576 MTND de collecte nette. Peu de banques auraient réalisé une telle performance en 2023. La croissance provient essentielle des dépôts d’épargne (+297,091 MTND) et des comptes spéciaux d’épargne (+268,982 MTND). Ce qui signifie une hausse des coûts de ressources.
Notons que les dépôts à vue totalisent 2 686,824 MTND, en hausse aussi de 149,552 MTND.
Malgré tout, la BNA demeure un joueur clé de l’industrie bancaire en Tunisie. Comme les autres établissements de crédits publics, elle accuse un manque à gagner dû à son engagement envers les entreprises publiques. En même temps, cela permet aux citoyens de bénéficier des services publics et d’avoir un accès à une alimentation de base à bas prix. Indirectement, c’est une banque à vocation sociale, par défaut.
