La dynamique macro-financière mondiale reste dominée par deux trains d’événements : l’ajustement progressif de la politique monétaire américaine — amorcé par une baisse de 25 pb mi-septembre mais désormais sujet à débats entre membres de la Fed — et le rebond des flux vers les actions et les obligations courts/moyens, soutenu par l’optimisme technologique (IA) et des anticipations de nouveaux allègements monétaires. (Financial Content)
Les marchés des matières premières, et en particulier le pétrole, affichent une volatilité modérée : le Brent tourne autour de ~70 $/b (front-month), niveau qui soutient les prix de l’énergie tout en restant inférieur aux pics antérieurs — un facteur important pour les pays importateurs d’énergie comme la Tunisie (Market Watch).
Au plan géopolitique, la région MENA reste une source persistante d’incertitudes. Avec des tensions entre Israël et l’Iran qui pèsent sur les primes de risque régionales et les parcours des prix de l’énergie. Ce qui aggrave l’aversion au risque sur les périodes d’escalade (Modern Diplomacy).
Remarque synthétique : ces éléments forment un mix où des attentes de baisse de taux (réduisant les coûts d’emprunt mondiaux) coexistent avec des risques géopolitiques et de matière première qui conservent un potentiel haussier sur l’inflation importée et la volatilité des marchés (Reuters).
En Tunisie…
Trésorerie et marchés monétaires
Le solde du compte courant du Trésor au 25/09 : 1 117,0 MDT (contre 1 236,2 MDT en jour-j-1 et 1 898,1 MDT l’an passé) — contraction notable en glissement annuel vs la veille (variation négative annuelle marquée).
Le volume global du refinancement au 26/09 s’établit à 11 483,3 MDT, en retrait par rapport à l’an passé (12 608,9 MDT). Tandis que l’encours des opérations d’open market reste significatif (3 885,3 MDT).
Le taux directeur est à 7,50 % (contre 8,00% l’an passé). Quant au taux du marché monétaire (TM), il est de 7,49 %. La BCT conserve donc une stance monétaire relativement restrictive par rapport aux normes historiques récentes mais plus accommodante que l’an dernier. Traduisant ainsi un compromis entre stabilisation de l’inflation et soutien à l’activité.
Mouvements interbancaires et liquidité
Les transactions interbancaires totales s’élèvent à 4 049 MDT, avec une part à vue dominante (3 227,5 MDT), signe que la liquidité intrajournalière reste active. Les facilités permanentes montrent un usage net : dépôt à 24h à -1 822 MDT (absorption) et facilité de prêt à 24h à 1 430 MDT (injection), indiquant une gestion fine mais tendue de la liquidité bancaire.
Marché de la dette et recettes
Encours BDT court terme : 3 025,9 MDT ; encours BTA (assim.) : 28 403,5 MDT : important stock de titres d’État à court/moyen terme, reflétant la dépendance aux financements domestiques.
Recettes touristiques cumulées au 20/09 : 6 046,2 MDT (en hausse vs 5 752,5 MDT l’an passé). Soit un signe positif pour les recettes en devises et la balance des paiements.
Comptes extérieurs et réserves
Avoirs nets en devises BCT (26/09) : 24 793,6 MDT, en baisse quotidienne de -978,8 MDT (et en réduction vs année antérieure) ; couverture importations : 107 jours, en retrait de neuf jours vs période de comparaison.
Taux de change
Cours interbancaire USD/TND : 2,91565 (25/09) : dépréciation de la valeur du dinar de ~0,39% vs la veille (2,90436), mais meilleure position vs l’an dernier (cours 1 an plus haut). L’euro à 3,41625 (variation marginale vs veille).
Interprétation synthétique : la Tunisie dispose encore d’un stock de réserves confortable en jours d’importation (>100 jours). Mais la baisse récente des avoirs nets et l’usage soutenu des BDT court terme exposent le pays à des chocs de liquidité si les flux en devises (tourisme, transferts) dérapent. Le dinar subit des pressions passagères mais reste globalement plus solide qu’il y a un an.
Mise en perspective — court terme (1–3 mois)
Risques et scénarios les plus probables :
Scénario prudent (plus probable) : un affaiblissement cyclique modéré de la demande mondiale combiné à un reflux progressif des primes de risque si la Fed poursuit des coupes graduelles entraîne des conditions de financement plus douces ; cela faciliterait la charge de la dette en devise et limiterait les sorties de capitaux. Toutefois, une escalade géopolitique MENA peut renverser ce gain immédiat. (Financial Content)
Scénario défavorable : nouvelles détériorations des réserves BCT (fuites de devises), baisse plus lente que prévue des rendements mondiaux et remontée du prime de risque => pression sur le dinar, hausse des BDT court terme, augmentation du coût réel du refinancement public.
Mesures à suivre en priorité (court terme)
À court terme, il est essentiel de renforcer la communication et la prévisibilité des flux en devises, notamment ceux liés au tourisme et aux recettes des travailleurs, afin de stabiliser les attentes.
Il convient également de calibrer les interventions ciblées sur le marché des changes, dans le but de préserver les jours d’importation et de limiter la stagflation importée dans l’hypothèse où le prix du Brent se maintiendrait au-dessus de 65 à 70 dollars le baril.
Enfin, il serait opportun de saisir les occasions de refinancement à moindre coût si les conditions des marchés internationaux s’assouplissent, grâce à une éventuelle baisse des taux mondiaux. Tout en évitant toutefois de substituer de manière excessive la dette extérieure à la dette domestique sans couverture adéquate du risque de change.
À moyen terme, sur un horizon de six à vingt-quatre mois, l’enjeu central consiste à réduire la dépendance aux instruments de court terme et à reconstituer de manière durable les réserves.
Cela suppose d’accélérer les réformes structurelles en faveur des exportations hors tourisme et de la diversification des recettes en devises, qu’il s’agisse des biens, des services numériques ou encore des apports de la diaspora.
Il est également nécessaire d’engager une restructuration ordonnée de la dette, en allongeant la maturité moyenne de l’encours BTA/BDT et en privilégiant, lorsque les conditions externes le permettent, des instruments en devises à coût maîtrisé.
Sur le plan budgétaire, une discipline ciblée s’impose : prioriser les dépenses productives et les protections sociales; tout en réduisant les subventions inefficaces, afin d’améliorer la solvabilité perçue et de réduire les primes domestiques sur la dette. Cette stratégie doit s’accompagner d’une coordination prudente entre politique budgétaire et monétaire. La Banque centrale devra conserver une marge de manœuvre, en maintenant des taux réels positifs pour contenir l’inflation importée en cas de nouvelles hausses des prix de l’énergie. Tout en se réservant la possibilité d’une légère détente monétaire si la conjoncture mondiale devient plus favorable.
Dans ce cadre, plusieurs indicateurs clés méritent une surveillance constante :
- Les avoirs nets en devises de la Banque centrale, mesurés en niveau et en jours d’importation;
- l’évolution des recettes touristiques et des transferts de la diaspora;
- le taux directeur de la BCT et l’écart entre taux débiteur et taux monétaire interbancaire, révélateur de la liquidité;
- le cours du Brent et la trajectoire des prix alimentaires importés;
- ainsi que les flux de portefeuille entrants et sortants, témoignant de l’appétit des investisseurs pour la dette tunisienne.
IN FINE, au niveau opérationnel :
La Tunisie reste en position de gestion fragile mais maîtrisée : des réserves encore substantielles et un rebond touristique soutiennent la balance des paiements; tandis que l’usage élevé d’instruments de court terme et la baisse récente des avoirs exigent vigilance.
À court terme, la trajectoire sera fortement corrélée aux décisions de politique monétaire externes (Fed) et aux chocs géopolitiques / énergétiques.
A moyen terme, la clé est la diversification des recettes en devises et le rééquilibrage progressif du profil d’endettement. (Financial Content)
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Références :
(*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp
(**) https://www.ins.tn/
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)