Les relations exécrables entre Kaïs Saïed et Noureddine Taboubi semblent s’orienter vers un point de non retour. L’Histoire nous rappellera, qu’il y a 45 ans, la confrontation entre le régime de Bourguiba et l’UGTT de Habib Achour dans le même contexte qu’’aujourd’hui, aura valu à notre pays un terrible bain de sang. A méditer.
Manifestement, c’est désormais la logique de guerre qui prévaut entre Carthage et la place Mohamed Ali. Un duel à fleurets mouchetés entre le président de la République Kaïs Saïed et le SG de la puissante UGTT, Noureddine Taboubi, où tous les coups sont permis, même ceux sous la ceinture.
Des signes qui ne trompent pas
Il y a des signes qui ne trompent pas. N. Taboubi est l’objet du courroux de Kaïs Saïed à partir du moment où la centrale syndicale a lancé une initiative de salut national pour sortir la Tunisie de la crise. Et ce, en association avec trois autres organisations nationales (la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme, le Conseil de l’Ordre des avocats tunisiens et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux).
Une initiative perçue par le locataire du palais de Carthage comme une perfide manœuvre visant à savonner le parquet sous ses pieds et à marcher sur ses platebandes. Même s’il était invité officiellement à chapeauter l’initiative du quartet aux contours un peu flous. D’autant plus que ce même quartet prône, entre autres, l’organisation d’une élection présidentielle anticipée.
Provocations
Est-ce un hasard que dans la même journée, le président de la République nomme le matin Mohamed Ali Boughdiri, ancien secrétaire général adjoint de l’UGTT et bête noire de Noureddine Taboubi, et que dans la soirée, il fustige ceux qui utilisent le droit de grève « comme couverture à des fins politiciennes connues de tous »? En faisant allusion au secrétaire général du syndicat de Tunisie Autoroutes, Anis Kaabi, suite à la grève observée les 30 et 31 janvier dernier? D’ailleurs, son arrestation est considérée par la centrale ouvrière comme une atteinte au sacro-saint droit de grève.
Ainsi, lors d’une visite nocturne inopinée, il y a deux jours, à la caserne de la Garde nationale à El Aouina, la deuxième depuis décembre dernier, le chef de l’Etat ouvrit la boite de Pandore. Et ce, en pointant du doigt l’impunité dont jouissent « les individus qui s’acharnent à bloquer les routes et les voies ferrées ».
« Nul ne peut se prévaloir d’un quelconque motif ou argument pour commettre ces actes. Ces fauteurs ne doivent plus bénéficier de l’impunité », martelait-il. Assurant à l’occasion que le droit syndical est « reconnu et garanti par la Constitution ». Mais, il poursuivait, en affirmant que certains utilisent ce droit « comme couverture à des fins politiciennes connues de tous ». Suivez mon regard.
Réponse immédiate du secrétaire-général adjoint Sami Tahri qui rappelle que « ce même discours a été adopté par Bourguiba et Ben Ali. Lequel discours avait précédé des arrestations et des poursuites contre les syndicalistes ».
Dans ce contexte, l’arrestation, du secrétaire général du syndicat de Tunisie Autoroutes, Anis Kaabi, suite à la grève observée les 30 et 31 janvier dernier, par les agents du syndicat de Tunisie Autoroutes a soulevé l’indignation des syndicalistes. Pour qui la grève « a respecté toutes les étapes et procédures légales », selon le site d’information Echaâb news, porte-parole de l’UGTT.
A signaler que suite à deux plaintes, intentées par le représentant juridique de la société Tunisie Autoroutes, le tribunal de première instance a indiqué, hier mercredi, que le syndicaliste a été placé en détention préventive. Et ce, pour « le crime d’exploitation par un fonctionnaire public de sa qualité, en vue de porter préjudice à l’administration; ou l’entente pour faire obstacle à l’exercice d’un service public, par démission collective ». Comme le stipulent les articles 96 et 107 du code pénal. L’accusé pourrait encourir jusqu’à dix ans d’emprisonnement.
Selon des sources concordantes, Anis Kaabi est accusé par la société Tunisie Autoroutes d’avoir incité ses collègues grévistes les 30 et 31 janvier dernier à lever les barrières des stations-péages. Permettant ainsi à des milliers de véhicules de ne pas s’acquitter des tarifs du passage.
Une nomination politico-politicienne
Mais, c’est la nomination, incontestablement politique, de Mohamed Ali Boughdiri à la tête du ministère de l’Education qui aura été perçue comme la provocation suprême du côté de la place Mohamed Ali. De même que comme une attaque frontale dirigée contre le patron de la centrale syndicale.
En effet, le nouveau ministre qui a soutenu sans réserves le président de la République dans le processus du 25 juillet 2021 était membre du bureau exécutif et occupait le poste sensible de secrétaire général de l’Union régionale du Travail de Ben Arous. Il s’est opposé publiquement à la direction de l’UGTT. Et ce, lors du congrès extraordinaire non électif de l’UGTT qui avait eu lieu en juillet 2021.
Pour rappel, ce congrès avait permis, à travers la révision des statuts internes aux membres du bureau exécutif d’être élus pour trois mandats successifs. D’ailleurs, M. Boughdiri, docteur en chimie de son état, a été parmi les syndicalistes favorables à la plainte devant les tribunaux pour demander l’annulation de ce congrès.
Les leçons de l’Histoire
Force est de constater que la rupture semble consommée entre l’ombrageux président de la République et le tenace patron de la centrale ouvrière. Mais, gare aux dérapages sur un terrain glissant et ultra sensible de la part des uns et des autres. Le spectre du Jeudi noir est dans tous les esprits!