Certes, Chris Geiregat, chef de mission pour la Tunisie au Fonds monétaire international (FMI), peut et doit souligner ce que la Tunisie a à entreprendre pour emprunter la voie qui lui permette de “réussir l’implémentation des réformes et améliorer la gouvernance”. Mais est-ce à dire qu’il peut et doit également indiquer que cela nécessite l’« adhésion à un dialogue national avec les différentes parties concernées, afin de garantir que les réformes réclamées par la société tunisienne » ?
Il est évident que les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 n’ont rien entrepris de bien particulier au niveau des réformes structurelles du tissu économique. Bien plus, cette réalité prévaut même pour la période avant 2011. L’évocation, à titre d’exemple, de la réforme de la politique de compensation date bien avant la révolution tunisienne en est la preuve.
La Tunisie paye, à ce titre, beaucoup d’erreurs à ce niveau. Ajoutée à une quasi-incompétence à prendre en main les dossiers du pays, ce retard ne peut qu’interpeller les Tunisiens toutes structures et toutes catégories confondues.
Et le pays n’a pas besoin du reste des diagnostics établis par Le Fonds Monétaire International (FMI) ou de Moody’s pour savoir où ils sont. Cela fait des années que L’Économiste Maghrébin, par exemple, avertit sur les dangers que le pays encourt.
De toute façon, il n’y a pas, pour emprunter un langage des courses de chevaux, photo.
Reste qu’il y a l’art et la manière. Une réflexion qui ne peut venir après que l’on ait écouté les propos tenus, le 02 mars 2021, par Chris Geiregat, le chef de la mission du FMI en Tunisie, au sujet de la situation de l’économie. L’intervention de Chris Geiregat, tenu au cours d’un point de presse, organisé en visioconférence, appelle une remarque. Sans doute fondamentale.
Adhérer à un dialogue national
Il est encore vrai que le chef de la mission du FMI peut et doit indiquer que “La Tunisie a besoin d’une nouvelle direction économique, une direction qui est différente de celle de la décennie passée pour réussir l’implémentation des réformes et améliorer la gouvernance ». Et qu’également la Tunisie a besoin, dans ce cadre, d’élaborer « un plan ambitieux de réformes”.
Il est dans ses cordes, encore, de souligner que notre pays se doit de “renforcer la protection sociale et augmenter les investissements publics dans les secteurs de la santé, l’éducation et l’infrastructure”. Ou encore de “promouvoir l’initiative et l’investissement du secteur privé comme des moteurs principaux de création d’emplois et de croissance, réformer les entreprises publiques, réduire le déficit budgétaire pour regagner la soutenabilité des finances publiques à moyen terme”.
Mais cela veut-il dire qu’il souligne automatiquement le modus operandi ? Comme “la nécessité que les autorités tunisiennes adhèrent à un dialogue national avec les différentes parties concernées, afin de garantir que les réformes réclamées par la société tunisienne” et fasse le commentaire suivant : “si les réformes n’ont pas été mises en œuvre par le passé, c’est que la société civile ne les a pas adoptées”. Toujours dans le même ordre d’idées, peut-il proposer “la mise en place d’un organisme national, chargé de gérer les entreprises publiques qui se heurtent à des difficultés” ?
Mettre la barre plus haut
Cela ne doit-il pas être laissé aux gouvernants qui appliquent souverainement les méthodes qui leur conviennent le mieux ? Il est à se demander si le représentant du FMI aurait tenu ce langage avec un autre pays qui pèse plus sur l’échiquier économique mondial ou régional et qui ne se trouve pas dans la situation catastrophique de la Tunisie.
Allons plus loin et disons que le FMI va peut-être ici crescendo en musclant son langage à l’endroit d’un mauvais élève qui ne cesse de tourner en rond ? Et qu’il pourrait s’agir de pressions à exercer en vue d’éventuelles prochaines négociations en mettant la barre un peu plus haut.
Toujours est-il que Chris Geiregat devrait savoir qu’il ne faut pas pousser un peu loin le bouchon. Dans la mesure où il y a ce qui se dit en public et ce qui peut se dire dans les réunions avec les partenaires. Toujours avec des propos toujours bien amènes. Et que trop mettre la pression risque d’avoir des conséquences sur les équilibres nationaux et régionaux ! Ce qui ne veut nullement dire, encore une fois, qu’il ne doit indiquer ce qui fait défaut dans un pays –nous ne le dirons pas assez- qui n’a pas jusqu’ici toujours emprunté la bonne voie. Loin s’en faut.