Rached Ghannouchi a été l’objet d’attaques d’une rare violence de la part du député Mongi Rahoui. Et ce, lors de la plénière du jeudi dernier.
Soumaya Ghannouchi est venue à la rescousse pour défendre son père. Un homme qui soulève tant de passions contradictoires.
De mémoire de député, jamais une plénière n’a été aussi houleuse que celle tenue, jeudi 4 juin 2020, sous le dôme du Palais du Bardo. Officiellement, cette séance devait débattre d’un projet d’une motion proposée par le PDL de Abir Moussi, portant sur le rejet du parlement de toute ingérence étrangère en Libye.
Une motion mort-née puisqu’elle n’a pas obtenu le quorum de 109 voix nécessaires pour son adoption ; avec 94 voix pour, 68 voix contre et 7 abstentions.
La vérité, c’est qu’aux yeux de tous, il s’agissait d’auditionner Rached Ghannouchi en sa double casquette de président de l’Assemblée des représentants du peuple et leader incontesté d’Ennahdha.
Une longue série de griefs
Mais que reproche-t-on au juste au cheikh de Montplaisir ? Ses détracteurs, et ils sont nombreux, lui reprochent pêle-mêle son alignement sur l’axe turco-qatari. Ainsi que sa visite non annoncée à Istanbul où il fut accueilli par un Erdogan arrogant comme s’il était le proconsul de la Régence tunisienne auprès de la Sublime Porte. Sans oublier son entretien téléphonique suspect à Faiez Sarraj pour le féliciter d’avoir reconquis Al-Wattiya (la plus grande base militaire de la région, s’étendant de l’Ouest de Tripoli jusqu’à la frontière tunisienne, contrôlée depuis six ans par des milices de Haftar). On lui reproche en somme sa diplomatie parallèle. Ainsi que son immixtion indélicate dans les prérogatives du Président de la République. Notamment dans les domaines qui lui sont réservés à l’instar des Affaires étrangères et la Défense. Et la liste des griefs est longue.
Des attaques d’une violence inouïe
C’est dans ce contexte explosif qu’il faut situer l’intervention du député du bloc démocrate, Mongi Rahoui. Lequel avait sorti l’artillerie lourde pour pilonner Rached Ghannouchi sur le dossier hautement délicat des assassinats politiques qui ont eu lieu ces dernières années en Tunisie : “Les assassinats politiques vous en portez la responsabilité, Chokri Belaid est votre victime, tout comme Mohamed Brahmi. Vous êtes prêt à vous allier avec Satan en personne pour sauvegarder vos intérêts et servir vos agendas”, lui a-t-il asséné férocement.
Et de lui porter le coup de grâce : “Vous avez beau remplacer la Djebba par des costumes, arborer des cravates de différentes couleurs, vous parfumer avec des parfums aux senteurs parisiens, changer quatre fois votre dentition, mais vous n’allez pas changer votre histoire ni effacer le fait d’avoir détruit la Tunisie”.
Soumaya au secours de son père
Pourtant, le leader d’Ennahdha, l’une personnalités politiques les moins appréciées par les Tunisiens, comme en témoigne le baromètre politique du mois de mai 2020 de Sigma Conseil, n’a pas que des ennemis déclarés.
En effet, sa fille Soumaya Ghannouchi et épouse de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalam a aussitôt répondu via Meem Magazine, dont elle est la rédactrice en chef aux détracteurs de son géniteur : “Il a défié deux dictatures, on l’a assigné à résidence et condamné à perpétuité puis à la peine de mort… Mais le voici encore debout à tutoyer les nuages. Sa sagesse, sa persévérance et sang-froid étaient et resteront ses armes face à l’adversité. Les braillards passeront et Ghannouchi et son héritage intellectuel et politique resteront vivants face aux tyrans et aux pitres de tous bords”, a-t-elle écrit sur Facebook.
Il convient quand même de rendre justice à cet homme, adulé par les uns, détestés par les autres : il n’a pas manqué de rester stoïque devant ses détracteurs lors de la plénière qui a duré plus que 16 heures. Un sang-froid tout britannique…