Avec le premier cas du Coronavirus en Tunisie, nous devons sérieusement penser aux conséquences sur les établissements de crédit et les autres opérateurs de l’industrie financière.
En regardant le comportement des Bourses internationales face au coronavirus, les banques ont été largement sanctionnées. Avant de se précipiter et penser à liquider son exposition au secteur, il faut tenir compte de quelques différences clés pour le cas tunisien.
Le business model des banques tunisiennes les protège
Pour les banques et les compagnies de leasing, la source d’inquiétude est la flambée du coût du risque. Avec la baisse du rythme de l’activité des entreprises, leur capacité de remboursement pourrait être menacée, ce qui va mécaniquement augmenter les crédits non performants et les créances classées.
Néanmoins, en ce qui concerne notre système financier, la vitesse de transmission des risques corporate aux bilans des banques n’est pas aussi rapide. Cela sans oublier la diversification de leur business et leur capacité à profiter davantage de la hausse des taux.
Nos banques ne partagent pas le même environnement opérationnel que celui des banques européennes ou américaines. Dans ces marchés, les établissements de crédit évoluent avec des taux d’intérêt bas, voire négatifs. Ils ont des difficultés à placer la liquidité disponible. Pour la Tunisie, nous avons plutôt des problèmes d’offres de crédits. Les banques sont limités par le ratio LTD et la gestion des risques et l’activité n’est pas menacée.
Un début d’année confortable pour les loueurs
Les compagnies de leasing ne bénéficient pas d’une diversification de leurs métiers. Par contre, le secteur est mieux armé pour gérer les risques après l’expérience de ces dernières années. La hausse observée des approbations lors du dernier trimestre 2019 (+32,7% à 473,078 MTND) est le signe d’une activité en mode recovery. La production des deux premiers trimestres 2020 est protégée, surtout avec la disponibilité des financements.
Il faut même s’attendre à une amélioration des mises en force qui devraient s’inscrire dans la même dynamique du quatrième trimestre 2019 (+10,5% à 402,683 MTND). En cas de prolongation de la crise du Coronavirus, ce n’est qu’à partir du troisième trimestre qu’on pourra observer un impact, même si les chiffres continueraient à profiter d’un effet de base favorable.
Côté créances classées, il ne faudra pas s’affoler de leur augmentation lors de la première moitié de l’année car il s’agit d’une tendance historique. Le recouvrement se réalise souvent au cours des derniers mois. Illustration : durant les 9 premiers mois de 2019, ces créances ont atteint un pic de 490,721 MTND. Fin 2019, elles ont reculé à 351,873 MTND.
Pas d’inquiétudes pour les assureurs
Pour les compagnies d’assurance, l’impact serait minime. L’essentiel de l’activité est réalisé par le segment Automobiles qui représente plus de 43% des primes émises. Les branches Groupe Maladie et Incendie & Risques divers s’accaparent, chacune, plus de 14% des souscriptions. Ces segments ne seront pas déstabilisés par le Coronavirus car il s’agit de polices obligatoires. Rares sont les tunisiens qui signent un contrat d’assurance facultatif.
La chute des cours des assureurs sur les marchés internationaux traduit essentiellement l’inquiétude pour l’activité Vie. Celle-ci a deux problèmes majeurs : la baisse de la demande et de la collecte de capital et les faibles rendements.
En Tunisie, l’assurance Vie pèse 22% du marché. La capitalisation ne représente que 31% des primes Vie, donc 7% du business global. De plus, les placements sont essentiellement investis en fixed income avec des taux élevés. Il n’y a donc aucun risque de voir les provisions techniques progresser de sorte à altérer les bénéfices techniques.
Enfin, il faut tenir compte d’un autre élément important. Les régulateurs du secteur devraient surveiller de près la situation et intervenir, en cas de graves dérapages. Il est encore tôt de penser à un tel scénario, mais il y aura certainement des mesures exceptionnelles si la situation le devienne.