Pour un deuxième débat télévisé, beaucoup se posent des questions. Les neuf candidats à la présidentielle ont-ils réussi à susciter de l’intérêt auprès des Tunisiens? Quel est le feed-back?
Evoquant les débats politiques télévisés, Kerim Bouzouita, l’anthropologue souligne que d’après lui, les grands gagnants sont Mohsen Marzouk et Hechmi Hamdi.
Alors pourquoi ? Il répond qu’ils sont les seuls à avoir parlé à leurs cibles électorales avec des messages clairs et clivant.
D’après Kerim Bouzouita, Hechmi Hamdi a été, lors du 2e round des débats, le plus efficace et le plus lisible par son électorat. Il segmente par cible régionale, classes socio-professionnelles et groupes idéologiques. « A chaque réponse, ils nous ramène vers ses deux idées entonnoir : la théocratie, la lutte des classes », dit-il.
Il estime que Mohsen Marzouk est fluide, bien lisible auprès de son électorat. Il est concret dans ses propositions : code des libertés… « Sa voix est bien posée, son corps souple et sa palette expressive variée et adaptée à chaque propos. Il incarnait ses messages et cela lui donnait une valeur de sincérité. »
Lotfi Mraihi atteint sa limite d’intello
En revanche, Lotfi Mraihi avait l’air de l’intello de la cafétéria du quartier. En cherchant à plaire aux plus fascistes d’entre nous, il touche à la « sacralité de l’enfance et perd toutes les électrices. »
Il ajoute : « Ses points forts lors des débats restent une bonne gestuelle desservie par une palette expressive limitée. On a l’impression qu’il est profondément en colère. Sa fluidité verbale sauve les meubles. Il aura un classement honorable et sera probablement dans le top 10. »
Mongi Rahoui a eu le trac. Et c’était visible. Outre un sérieux problème de consistance dans son programme. Il est passé à côté du vrai enjeu de la campagne : ringardiser Hamma et devenir le nouveau visage de la gauche. Mais la voix et la gestuelle n’ont pas suivi. Il a le temps de se reprendre. Il reste quand même l’un des meilleur de la catégorie « jeunes espoirs ».
Quant à Elyes Fakhfakh, il est à peine lisible, soutient notre interlocuteur. Qui cible-t-il ? Ce n’est pas clair. On entend un positionnement anti « vieux système », mais nous ne sommes plus en 2011. En tout, sa posture et sa gestuelle restent son fort mais elles sont desservies par une moue disphonique presque statique. Sa légèreté sur un passage le montre comme un entertainer et non pas un présidentiable. Il joue néanmoins dans la catégorie à fort potentiel.
Abdelkrim Zbidi : le seul à avoir le CV pour le job
De son côté, Abdelkrim Zbidi, alors qu’il est probablement le seul à avoir le CV pour le job, reste consistant sur le contenu. « La négligence du paraverbal et du non-verbal pèsera sur ses chances de passer au second tour. Son électorat a besoin d’être rassuré et cherche un père protecteur. Cette perception passe par le non-verbal et le paraverbal essentiellement, » étaye-t-il.
En somme, nous assistons à une campagne électorale qui n’a rien de politique. C’est un show, c’est la nouvelle arène, les gladiateurs s’affrontent et celui qui offre le plus beau spectacle gagne. Comme le cas d’Essaghaier Nouri…
Hamadi Jebali, quant à lui, veut ressentir le grand frisson de la compétition pour la dernière fois. Mais personne n’est capable de le situer politiquement. Lui en premier…
Pour le cas de Hatem Boulabiar le grand écart ne lui réussit pas. Ancien du majliss Choura d’Ennahdha, qui vient de se convertir au Bourguibisme. Il n’a pas de positionnement clair, pas de propositions politiques originales et crédibles pour devenir visible. Son adresse aux huissiers « fais gaffe à mon téléphone, il est cher », était la maladresse de trop dans un pays qui a 25% de pauvres.
De son côté, Larbi Chouikha, universitaire souligne à propos des débats : « Je me demande si les candidats à la présidentielle qui participent au débat télévisé réalisent que pendant qu’ils parlent, un autre débat se tient simultanément sur les réseaux sociaux et Facebook surtout, entre les internautes pour commenter leurs propos mais aussi leurs postures corporelles, leurs réactions, les signes qu’ils expriment en silence ou la perception qu’ils suscitent, pour les jauger et les juger, pour rectifier leurs erreurs, rappeler des propos contradictoires qu’ils ont tenus antérieurement sur tel ou tel sujet… Bref, c’est ce débat entre les internautes complété par les discussions en famille, entre amis, dans les cafés, les lieux de travail et autres qui donnent la possibilité d’avoir une opinion sur un candidat, d’éclore et de se propager. »