Une nouvelle administration locale, probablement moins outillée, ne manque pas de soulever une question : la décentralisation ne va-t-elle pas favoriser la corruption vu que la relation avec les politiciens est appelée à devenir plus étroite ? Tel était l’objet du troisième panel sur le thème de la « décentralisation, intégrité et relations avec les politiques », organisé lors de la 32e édition des Journées de l’entreprise.
La décentralisation rime-t-elle avec corruption ? Si oui, quels mécanismes devraient-ils être mis en place au niveau local afin de la prévenir ? Comment garantir le retour à l’Etat garant de l’autorité ? Comment répondre aux exigences et aux besoins des citoyens ? Comment éliminer les distorsions sociales entre les régions et adapter un modèle de développement économique et social ?
L’expert-comptable Slaheddine Zahar, l’un des députés constituants qui ont contribué à l’élaboration de la Constitution de 2014 où la décentralisation a figuré parmi les priorités de la deuxième République, a été invité pour donner son avis sur la relation entre décentralisation et corruption. Il a, à ce propos, souligné qu’une prise de décision au niveau régional, qui se fait de manière collégiale, engendre moins de risques de corruption.
Cependant, pour M. Zahaf, l’amélioration de l’administration, un des principes de la décentralisation, pourrait s’accompagner de risques de dérapage surtout si certains outils sont mal conçus. « On a énoncé les principes de la décentralisation, mais au jour d’aujourd’hui rien n’a été fait. Il faut s’organiser autrement pour une meilleure administration avec un respect du rôle de l’Etat », a-t-il déploré. Et d’ajouter que le consensus a montré ses limites et il est temps pour que le mode de fonctionnement au niveau des administrations change.
Quant à l’universitaire Mme Neila Chaabane, elle a insisté sur l’importance de maîtriser les ressources et d’avoir des garde-fous pour empêcher la corruption. Le redéploiement des agents et cadres de l’administration dans les municipalités nécessite des moyens parce que s’il n’y a pas une autonomie financière et matérielle, il y a un risque de corruption. « Il ne s’agit pas seulement des lois. Le Code des collectivités locales est un texte fondateur qui doit être clair et facile à appliquer », a-t-elle souligné.
De son côté Michel Hervé, président – fondateur du Groupe Hervé, s’est interrogé sur les limites du cadre juridique parce que le fait d’exercer seul une responsabilité présente un grand risque. « Avec internet, tout a changé. Il faut développer la dimension informative et mettre en place une démocratie basée sur la concertation entre l’ensemble des managers pour dévoiler les cas de corruption », a-t-il recommandé.