La récente proposition de loi visant à introduire l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) dans les établissements publics tunisiens, bien que louable en apparence, relève d’un anachronisme technopédagogique flagrant.
En tant qu’initiateur de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) en Tunisie via mon manuel de référence : « L’EMI en Tunisie : antidote contre la cybercriminalité » – publié à Paris en 2015 – largement reconnu à l’international mais ignoré dans mon propre pays, je ne peux que constater avec amertume le retard avec lequel cette initiative voit enfin le jour.
Alors que le monde entier entre dans l’ère post-informationnelle dominée par l’intelligence artificielle générative, nos institutions persistent à proposer des solutions forgées pour l’époque des blogs et des forums.
Lire aussi : Education des médias et de l’information : un enjeu social
Aujourd’hui, l’information n’est plus seulement véhiculée ou manipulée par l’humain, elle est générée de toutes pièces par des IA capables de produire des contenus crédibles, cohérents et massivement diffusables en quelques secondes. Les outils classiques de « vérification de l’information », pierre angulaire de l’EMI traditionnelle, sont désormais obsolètes face à la sophistication des modèles d’IA, capables de créer de faux experts, de fausses vidéos, de faux témoignages indétectables par les filtres classiques.
C’est pourquoi, j’ai développé le concept et l’ouvrage « Aiguilleur d’IA » – transmis à l’OMPI – comme alternative urgente à une EMI dépassée. Cette approche n’a plus pour ambition de « vérifier une information » via les outils de fact-checking, mais d’aiguiller l’usager humain dans un espace informationnel dominé par des systèmes automatisés de production cognitive. L’élève de demain ne doit pas simplement repérer un fake : il doit interagir avec, questionner et déconstruire un système générateur d’apparences de vérité.
Plutôt que d’offrir des emplois de fortune à quelques diplômés, l’État devrait anticiper les métiers critiques de la nouvelle ère cognitive, en formant des enseignants capables de comprendre les logiques d’IA, leurs biais, leurs stratégies de persuasion, et d’en faire des citoyens résistants à l’illusion numérique.
Promouvoir l’EMI version 2000 dans la Tunisie de 2025, c’est comme enseigner la dactylographie à l’heure des assistants vocaux.
Désormais, l’heure est pour le métier d’aiguilleur d’IA !
——————-
Article en relation : Education des médias et de l’information : un enjeu social
————————
Mahjoub Lotfi Belhedi
Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Aiguilleur d’IA