Donald Trump menace le Hamas d’un déluge de feu s’il ne libérait pas tous les otages. Entre temps, son envoyé Adam Boehler au Moyen-Orient négocie à Doha avec les représentants du mouvement islamiste que Washington qualifie de « groupe terroriste ». De l’art de manier sans vergogne le double langage.
Dire tout et son contraire. Tel semble être le dada du 45ème président des Etats-Unis. En effet, Donald Trump s’amuse à distiller chaque jour une annonce fracassante à partir du Bureau ovale ou sur son réseau Truth Social, quitte à sature le paysage médiatique.
Dernière déclaration à l’emporte-pièce de M. Trump? Lancer un sévère « dernier avertissement » au Hamas; tout en ouvrant, en sous-main, des canaux de contacts directs avec le mouvement islamiste palestinien longtemps considéré par Washington comme « groupe terroriste ».
Des menaces en l’air?
Ainsi, l’hôte de la Maison Blanche s’est adressé hier jeudi 6 mars au « peuple de Gaza » pour lui promettre : « Un bel avenir vous attend. Mais pas si vous gardez des otages, si vous le faites, vous êtes MORTS! Prenez une BONNE décision ». Tout en soulignant qu’« aucun membre du Hamas ne sera en sécurité si vous ne faites pas ce que je dis ».
« C’est maintenant qu’il faut quitter Gaza, tant que vous pouvez encore le faire », a-t-il ajouté à l’adresse des chefs du mouvement islamiste palestinien, en rappelant qu’il a envoyé à Israël « tout ce dont il a besoin pour finir le job » à Gaza.
Rappelant que « Shalom » veut tout autant dire « bonjour » qu’« au revoir », il somme le Hamas de libérer « tous les otages maintenant, pas plus tard » et de rendre également « immédiatement tous les cadavres des personnes que vous avez assassinées ». Sinon, lance-t-il, « c’est fini pour vous ».
Etrange ultimatum. Car que pourra-t-il arriver de pire pour le « peuple de Gaza » dont 48 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, sont mortes sous les bombardements? Et que risquent de plus terrible les « membres du Hamas » que la redoutable machine de guerre de Tsahal a été incapable d’éradiquer?
D’ailleurs, le nouveau chef d’état-major israélien, Eyal Zamir, n’a-t-il pas reconnu mercredi dernier que « le Hamas a subi un coup dur, mais il n’est pas encore vaincu » ? Tout en assurant que Benyamin Nétanyahou s’est dit déterminé à remporter la victoire».
Trump « ne plaisante pas »
Conscient que les Palestiniens de Gaza, qui vivent déjà l’enfer, n’ont plus rien à perdre et qu’ils n’en ont cure des menaces américaines, le secrétaire d’Etat Marco Rubio, s’est empressé d’assurer que son patron ne plaisantait pas : « Il ne dit pas ce genre de choses s’il ne les pense pas, comme les gens peuvent le voir à travers le monde. S’il dit qu’il va faire quelque chose, il va le faire», a-t-il déclaré sur Fox News. « Donc ils feraient bien de le prendre au sérieux ».
Message reçu cinq sur cinq puisque refusant de répondre directement à l’ultimatum trumpien, le groupe islamiste a botté en touche en affirmant hier jeudi que le Hamas « a respecté toutes ses obligations sous la première phase de l’accord, mais qu’Israël évite d’entrer dans la phase deux ». Et que par conséquent « les menaces du président américain Donald Trump exigeant la libération immédiate de tous les otages détenus à Gaza compliquent les efforts de cessez-le-feu et encouragent Israël à revenir sur l’accord ».
Revirement majeur
Coup de théâtre. Contre toute attente, les menaces du président américain- qui a rencontré mercredi huit otages libérés de Gaza- surviennent le jour même où Washington ainsi que le Hamas ont confirmé avoir eu des contacts directs. Des contacts, sans précédent, en rupture totale avec la traditionnelle ligne politique des Etats-Unis ; laquelle consiste à refuser tout contact direct avec des groupes qu’ils considèrent comme « terroristes ». Ce qui est le cas du Hamas depuis 1997.
En effet, sans entrer dans les détails sous prétexte que « des vies américaines étaient en jeu», (il reste probablement cinq otages américains détenus à Gaza, dont quatre sont confirmés morts et un serait vivant. NDLR), la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a confirmé le jour même où son patron proférait des menaces contre le Hamas, que l’envoyé spécial américain pour les otages, Adam Boehler, était « engagé dans ces négociations [et] a l’autorité de parler à n’importe qui ».
Entre temps, a-t-elle assuré, l’Etat hébreu avait été « consulté ». Ce qu’a ensuite confirmé le bureau du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.
Pour sa part, un responsable du Hamas a évoqué à l’AFP, sous le sceau de l’anonymat, « deux rencontres directes entre le Hamas et des responsables américains ces derniers jours à Doha ».
Rappelons enfin que les déclarations fracassantes de Donald Trump interviennent au lendemain de la réunion du Caire mardi au cours de laquelle les dirigeants arabes ont adopté un plan pour la reconstruction de GazaGaza qui met de facto le Hamas sur la touche et prévoit un retour de l’Autorité palestinienne, chassée du territoire en 2007 par le mouvement islamiste. Un plan aussitôt rejeté aussi bien par Tel-Aviv que par Donald Trump qui rêve lui, sans rire, de faire de Gaza la « Riviera du Moyen-Orient ».