François Bayrou vient de lancer un ultimatum : si l’Algérie ne respectait pas les accords de 1968, ceux-ci seraient déclarés caducs dans leur totalité d’ici à six semaines. De l’art de jeter de l’huile sur le feu dans le contexte de relations orageuses entre Alger et Paris.
Alors que les relations diplomatiques sont de plus en plus tendues avec l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale, l’assassinat de Mulhouse est venu raviver les ressentiments très vifs et les blessures qui ont du mal à se cicatriser entre les deux rives de la Méditerranées.
En effet, samedi 22 février- un Algérien de 37 ans, en situation irrégulière et sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF)- est accusé d’avoir tué à l’arme blanche une personne et d’en avoir blessé sept autres. Or, a précisé le chef du gouvernement François Bayrou « l’individu qui a tué à Mulhouse avait été présenté 14 fois aux autorités algériennes, c’est les chiffres qui m’ont été fournis par le ministère de l’Intérieur. Et 14 fois, les autorités algériennes ont dit non ». Tout en déplorant que « les victimes que nous avons connues à Mulhouse ce week-end sont les victimes directes du refus d’application de ces accords de 1968 entre les deux pays. Le décor est planté.
Ultimatum
Ainsi, en réaction au refus d’Alger de reprendre l’un de ses ressortissants sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français, n’admettant pas que le France soit « humiliée » selon l’expression de Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, François Bayrou a déclaré hier mercredi 26 février qu’en attendant la réponse d’Alger, « il sera présenté au gouvernement algérien une liste “d’urgence” de personnes qui doivent pouvoir retourner dans leur pays et que nous considérons comme particulièrement sensibles ».
« S’il n’y avait pas de réponse au bout du chemin, il n’y a pas de doute que c’est la dénonciation des accords qui serait la seule issue possible ». Même si « ce n’est pas celle que nous souhaitons », a encore souligné le Premier ministre.
« Pas d’escalade, ni d’enchères »
S’alignant sur la ligne dure de son ministre de l’Intérieur- la nouvelle coqueluche de la droite française qui ne cache pas sa proximité avec Marine Le Pen, notamment sur les dossiers sensibles de l’immigration et de l’identité-, le Premier ministre français s’est toutefois défendu « de toute volonté de faire de l’escalade, ou de la surenchère ». Ainsi, il a affirmé, lors d’une conférence de presse, que le gouvernement français ne peut « pas accepter que la situation perdure ». Tout en ajoutant qu’ « il est de la responsabilité du gouvernement français de dire que les refus de réadmission [des ressortissants algériens, NDLR] sont une atteinte directe aux accords que nous avons avec les autorités algériennes et que nous ne l’accepterons pas ».
Rapport de force
Rappelons à ce propos que pour se positionner sur l’échiquier politique français dans la perspective de l’élection présidentielle de 2027, une partie de la droite s’est lancée dans une polémique avec l’Algérie, un pays qui incarne à leurs yeux ce que les Français craignent le plus : l’immigration et l’insécurité.
Ainsi, le ministre de l’Intérieur s’en est de nouveau pris à l’Algérie, samedi 22 février, se disant prêt à entrer dans un « rapport de force » à cause du refus d’Alger de reprendre l’un de ses ressortissants sous le coup d’une OQTF; et ce, avant qu’il ne tue un homme et en blesse sept autres dans une attaque au couteau comme à Mulhouse.
« Le rapport de force, ce sont les visas. Le rapport de force, c’est l’accord de 1968. C’est un accord très important pour l’Algérie qui est en train d’être négocié aujourd’hui à Bruxelles. Il faut poser ce rapport de force parce qu’on a été assez gentil. On a tendu la main à l’Algérie. Qu’a-t-on eu en retour ? », s’est emporté le ministre de l’Intérieur au journal de 20 h de TF1.
Abondant dans la surenchère verbale, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a annoncé mardi 25 février sur le plateau de BFMTV « avoir pris un ensemble de mesures de restriction de circulation et d’accès au territoire national » à l’encontre de certains dignitaires algériens. Se déclarant également prêt à prendre davantage de mesures du même acabit.
La voix de la sagesse
Mais que pense Dominique de Villepin, une voix libre et courageuse, très respectée en France alors qu’il n’est plus aux affaires depuis 25 ans.
Invité dimanche soir de BFMTV, l’ancien premier ministre a dit « ne pas apprécier » la rhétorique offensive que Bruno Retailleau a développée contre l’Algérie. « Quand on fait de la politique intérieure avec de la politique étrangère, on ne va que dans une impasse en pratiquant la politique de la terre brûlée », a-t-il fustigé, d’un ton énergique. Un dernier message qu’il adresse au patron de la place Beauvau qui ne cache pas ses ambitions présidentielles et qui brandit l’épouvantail de l’immigration, notamment partant de l’Algérie, pour monter dans les sondages.
« La responsabilité politique, ce n’est pas d’aller dans le sens du vent, de surenchérir, choisir la facilité, et d’aller de micro en micro; alors qu’il faut tenir le manche de la République », a-t-il rappelé à juste titre.
Et de conclure, glacial : « Là, il y a une forme d’amateurisme ». Retailleau appréciera le verdict de l’ancien Premier ministre de Jaques Chirac. Lequel, excusez du peu, vient d’être plébiscité dans le dernier classement Ifop comme la personnalité politique préférée des Français.