Ebranlé par l’effondrement du régime de Bachar el-Assad, ses installations nucléaires menacées par Israël, avec la bénédiction assurée de la future administration américaine, le régime des Mollahs d’Iran pourrait accélérer l’acquisition de l’arme nucléaire, ultime garantie de sa survie.
Méfiez-vous de l’animal blessé, dit un proverbe africain. Ainsi, en est-il de la République islamique d’Iran qui, après la chute de Damas, perd un pilier de sa stratégie de sécurité nationale et se retrouve dans une position de faiblesse inédite. Et ce, au moment même où son pire ennemi, Donald Trump, le futur 47ème président des Etats-Unis, reprendra bientôt les clés de la Maison-Blanche.
La bombe nucléaire, ultime rempart?
Assiégé par les Américains, menacé par le « petit Satan », dos au mur, l’Iran fera-t-il le choix d’accélérer l’acquisition de l’arme nucléaire pour sanctuariser son territoire et assurer la survie de son régime?
« L’Iran est en train d’augmenter fortement ses capacités de production d’uranium hautement enrichi, proche du seuil requis pour fabriquer une bombe atomique », a déclaré à Reuters le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi. Ajoutant que « la quantité d’uranium enrichi à 60% dont dispose aujourd’hui l’Iran suffirait en théorie, s’il est encore purifié à près de 90 %, à produire quatre bombes atomiques », a-t-il affirmé vendredi 6 décembre 2024 en marge d’une conférence sur la sécurité à Manama, capitale de Bahreïn.
Combien faudra-t-il du temps à l’Iran pour fabriquer ces quatre bombes nucléaires? De « quelques semaines », selon l’estimation de nombreux médias américains? Cela dépendra évidemment de la décision du guide suprême Ali Khamenei. Va-t-il franchir le Rubicon?
L’«axe de la résistance» en lambeaux
Et ce, d’autant plus qu’avec le démantèlement de « l’axe de la résistance », composé notamment de la Syrie, du Hezbollah et du Hamas, Téhéran se retrouve plus isolé que jamais sur la scène internationale.
En effet, pour l’Iran, la Syrie a servi des années durant de corridor pour acheminer son soutien logistique en armements jusqu’au Hezbollah libanais et au Hamas à Gaza. Permettant ainsi d’une part d’assurer la sécurité de « l’axe de la résistance et d’exercer d’autre part des moyens de dissuasion loin de ses propres frontières.
Faut-il rappeler à cet égard les liens historiques qui unissent les deux régime? La famille Assad fut le principal allié de l’Iran depuis la Révolution islamique de 1979 et la Syrie était le seul pays arabe de la région à soutenir l’Iran durant la guerre Iran-Irak, alors que tous les autres pays arabes soutenaient l’Irak. En contre partie, depuis 2011, l’Iran a soutenu le régime du président Assad; malgré l’opposition de tous les autres pays arabes de la région.
Or, les cartes sont désormais brouillées suite à l’attaque du 7 octobre contre l’Etat hébreu. Le Hamas palestinien soutenu par Téhéran est laminé et son chef politique Ismaïl Haniyeh a été assassiné sous les yeux des Gardiens de la révolution. La capacité d’action du Hezbollah a énormément diminué : pilonné par Israël, la milice chiite pro-iranienne a perdu non seulement son leader Hassan Nasrallah, mais aussi 80 % des stocks de missiles en sa possession.
Quant aux Houthis, ils ont leur propre agenda et sont éloignés de Téhéran. Les milices irakiennes? Elles ont refusé d’intervenir ces derniers jours sur le sol syrien pour venir en aide à Bachar al-Assad.
Amer constat pour Téhéran : l’« axe de la résistance» à Israël et aux Etats-Unis que l’Iran a constitué est en lambeaux.
Realpolitik
Ceci étant, pour mieux comprendre les appréhensions iraniennes, Il suffisait de voir les images de l’ambassade d’Iran saccagée qui ont été reprises par la télévision syrienne, désormais entre les mains des rebelles syriens : portraits du guide suprême Ali Khamenei et de l’ayatollah Khomeini jonchant le sol; affiches déchirées de Hassan Nasrallah, l’ancien chef du Hezbollah libanais, tué en septembre lors d’un raid israélien dans la banlieue sud de Beyrouth; ou encore les affiches piétinées par la foule en délire du général iranien Qassem Soleimani, mort dans une frappe américaine en Irak en 2020. De quoi donner des sueurs froides aux apparatchiks du régime des Ayatollahs!
Comment Téhéran a-t-il réagi à ces images choquantes? Les observateurs auront relevé le ton « mesuré » utilisé par les officiels iraniens à quelques heures de la reddition de la capitale syrienne.
Ainsi, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghtchi, appelait déjà samedi dernier le gouvernement syrien et les groupes d’opposition « légitimes » à entamer des négociations.
Surprise : Téhéran n’avait jusqu’alors jamais évoqué le terme d’« opposition syrienne », mais celui de « terroristes » pour désigner les futurs maîtres de la Syrie!
Il semble évident que les dirigeants iraniens font le dos rond en attendant le passage de l’ouragan. D’ailleurs, le chef de la diplomatie iranienne a affirmé, dimanche dernier, vouloir adopter « une approche et des positions appropriées » en fonction « de l’évolution en Syrie et dans la région », ainsi que « du comportement des acteurs sur le terrain ». Appelant à l’occasion à « poursuivre les relations amicales avec la Syrie ». Pragmatisme ou opportunisme?