La reprise du transport maritime après le cauchemar des années Covid est aujourd’hui de nouveau menacée par les tensions géopolitiques et les changements climatiques. Alors que les conflits et les guerres sont à l’origine des perturbations de la navigation en mer Noire et en mer Rouge, la sècheresse et les niveaux d’eau alarmants ont fait fortement baisser le nombre de transits quotidiens via le canal de Panama. Les attaques des Houthis ont réduit les transits à travers le canal de Suez de presque la moitié, causant une perte de 40% du revenu du canal à l’Egypte, précise le récent rapport de la CNUCED, paru en février 2024.
Lorsque 80% des échanges commerciaux du monde sont acheminés par les routes maritimes, toute perturbation
des voies navigables ne peut qu’avoir de lourdes conséquences aussi bien au niveau économique qu’au niveau social et environnemental.
Taux de fret plus élevés :
Une reprise de l’inflation assurée
Le détour des navires de leur chemin habituel a occasionné une hausse des primes d’assurance et des taux de
fret. La compagnie française CMA CGM, numéro trois mondial du transport maritime, a doublé récemment le prix d’un conteneur de 3000 à 6000 $. Cette montée spectaculaire des coûts ne va plus tarder à reflamber
l’inflation, apaisée un peu partout ces derniers mois.
Des chemins de transport rallongés :
Plus de carbone rejeté
Les gains environnementaux attribués à « la navigation lente » seront sans doute ébranlés par le prolongement
des distances parcourues et des vitesses accrues des navires détournés. Selon la CNUCED, la déviation du canal
de Suez vers le cap de Bonne-Espérance engendre une augmentation de 70% des émissions de gaz à effet de serre pour un aller-retour de l’Europe vers Singapour.
Des délais d’approvisionnement retardés :
Une sécurité alimentaire menacée
Bien que les cours des céréales aient enregistré une tendance baissière ces dernières semaines, suite à une concurrence acharnée sur les marchés mondiaux, leur acheminement pose toujours problème. D’une part, les attaques des navires sur la mer Noire menacent l’approvisionnement des pays africains. D’autre part, les restrictions
massives sur le canal de Panama et la mise aux enchères des droits de passage entravent l’expédition du blé américain vers les pays asiatiques. Dans un monde dérouté par la bêtise humaine, le retour au calme des mers troubles s’avère difficilement prévisible.
Par Noura Lamia Jaidane-Mazigh
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 889 du 28 février au 13 mars 2024