Rétention de salaires en réponse à la rétention des notes. Telle fut la réponse cinglante du ministre de l’Education, Mohamed Ali Boughdiri aux enseignants récalcitrants. Ouvrant ainsi la porte à un bras de fer sans merci avec la puissante Fédération de l’Enseignement de base. Qui aura le dernier mot? L’avenir nous le dira.
Dans un article intitulé « Périlleux baptême du feu pour le ministre de l’Education » et paru mardi dernier sur les colonnes de l’Economiste Maghrébin, l’auteur de ces lignes écrivait : « Dans son bras de fer titanesque avec la Fédération générale de l’Enseignement de base et ses 77 826 adhérents, le ministre de l’Éducation, Mohamed Ali Boughdiri joue ce mardi 4 juillet un coup de poker menteur. A savoir : soit la mise totale sur la table de toutes ses cartes; y compris mettre ses menaces à exécution dans une logique de confrontation aux conséquences hasardeuses. Soit plier l’échine devant le puissant syndicat. Dans le deuxième cas, c’est la mort politique assurée de M. Boughdiri. Choix cornélien. Car l’homme poussé dans ses derniers retranchements par l’intransigeance de ses vis-à-vis n’a plus rien à perdre. C’est du quitte ou double ».
Décisions radicales
En effet, le ministre de l’Education aura choisi de prendre le taureau par les cornes. Ayant constaté qu’une partie des instituteurs qu’il a qualifiés « de récalcitrants qui ont transgressé la loi et le principe du travail réalisé » n’a pas à la date butoir du 4 juillet remis les notes à l’administration afin de permettre aux élèves d’avoir leurs moyennes et leurs carnets, il assura de prime abord qu’il n’y aura pas de passage automatique et que l’hypothèse d’une année blanche « n’est absolument pas posée ».
Ainsi, lors de son intervention dans la soirée du mercredi 5 juillet au JT de 20 heures d’al-Wataniya, M. Boughdiri nous faisait savoir que « 72 % des instituteurs et institutrices ont remis ces notes, via la plateforme mise en place par le ministère ».
« Quel message transmettra-t-on à ces petits élèves qui attendent leur moyenne pour répandre la joie parmi leurs familles » ? Ainsi, s’est-il écrié au comble de l’indignation; tout en rappelant que son département « qui appartient à un Etat fort et juste, ne restera pas les bras croisés devant ces tentatives de perturber et de faire échouer l’année scolaire ».
Terribles sanctions
Partant du principe que les vacances scolaires commencent sur la base « du travail réalisé », le ministre a affirmé que « tous ceux qui auront commis des fautes et outrepassé leurs prérogatives, assumeront leurs responsabilités ». Signalant donc que son ministère a commencé dès hier à prendre des sanctions contre « des dizaines de directeurs d’écoles primaires qui se sont obstinés et n’ont pas validé les résultats remis par les instituteurs ».
Et de marteler sur un ton martial : « Tout directeur qui tarde à valider les notes des élèves sera démis de ses fonctions. Ces directeurs seront convoqués aux conseils de discipline afin que chacun assume sa responsabilité. Pour les enseignants, l’évaluation faisant partie de l’opération éducative et du travail réalisé, celui qui aura manqué à son devoir ne pourra percevoir un salaire ».
« Conformément au code du travail, tout manquement dans l’accomplissement du devoir est considéré comme étant un abandon de poste, et requiert la rupture de la relation professionnelle ». La menace est tombée comme un couperet.
Passant à l’acte, le ministre de l’Education annonça hier jeudi sur Mosaïque FM la révocation de 150 directeurs d’école pour rétention de notes.
Or, en ayant franchi le Rubicond : révocation des directeurs d’écoles qui refusent de remettre les notes d’élèves fournies par les enseignants et suspension de rémunérations des enseignants sur la base juridique de salaire en contre partie du travail réalisé, l’ancien secrétaire général de l’Union régionale du Travail de Ben Arous et qui fut également élu secrétaire général adjoint de l’UGTT chargé du secteur privé ose défier ses anciens camarades. La décision ne manque pas de témérité, mais les conséquences sont incalculables et surtout imprévisibles.
Menace à peine voilée
Réaction immédiate de la part de la Fédération de l’enseignement de base. Laquelle, notons-le, a appelé samedi dernier les enseignants à ne pas remettre les notes des élèves ; considérant l’appel du ministère de l’Éducation à la publication des notes sur l’espace numérique « comme une atteinte aux prérogatives des directeurs des établissements scolaires ».
Ainsi, le SG- adjoint de la Fédération, Ikbal Azzebi, a indiqué dans une déclaration hier jeudi à la TAP, que le ministre de l’Education profère des « menaces » à l’encontre des directeurs d’école et des instituteurs qui « n’ont fait qu’appliquer la décision du syndicat portant sur la rétention des notes ».
Par conséquent, la Fédération tiendra une commission administrative aujourd’hui vendredi 7 juillet pour examiner les démarches nécessaires face aux mesures qui seront adoptées par le ministère de l’Education.
« Chaque menace sera contrée par une escalade de la part du syndicat », a-t-il averti. L’escalade semble inévitable renvoyant les deux parties dos à dos.
Reste les questions lancinantes : comment réagira la centrale syndicale aux décisions radicales prises par le ministre de l’Education, après des probables concertations préalables avec la cheffe du gouvernement Najla Bouden et sans aucun doute l’aval du président de la République? Se démarquer de la puissante Fédération de l’enseignement de base, et c’est la débandade assurée ; ou s’aligner sur la ligne dure et intransigeante des syndicalistes, et c’est la confrontation avec le pouvoir en place? La réponse ne peut être que politique.