Le ministre des Affaires étrangères du Bangladesh a lancé les débats après une proposition inédite : les entreprises qui réalisent de grands profits grâce à la guerre en Ukraine devraient dédommager les nations moins développées touchées.
Cela concerne essentiellement les entreprises du secteur de l’énergie et de la défense. Pour le ministre, elles devraient consacrer au moins 20% de leurs super-profits aux pays qui ont vu leurs économies s’effondrer à cause de l’attaque russe.
Si aucune société en particulier n’a été citée, il est clair que cela concerne les super-majors pétroliers. Pour Shell, Chevron, ExxonMobil, TotalEnergies, l’exercice 2022 restera dans les annales avec 151 milliards de bénéfices nets.
Selon la Banque mondiale, la première victime de l’invasion est l’économie ukrainienne qui s’est contractée de 35% en 2022. Les pays importateurs nets d’énergies ont pâti de la crise, à l’instar du Bangladesh. Cette situation a entraîné une forte inflation, devenue incontrôlable. Les subventions, monnaie courante dans les pays en développement, ont flambé et les déficits budgétaires se sont élargis. Les retombées de la guerre risquent d’aggraver encore la vulnérabilité de la dette. L’idée est de rendre cela obligatoire par une décision des dirigeants des pays du G20.
Même si une taxation exceptionnelle est une idée acceptable, c’est une sanction pour les actionnaires de ces sociétés. In fine, ces sociétés ne sont pas à l’origine de la guerre et c’est grâce à des années de développement qu’elles ont pu réaliser ces performances. De plus, il y a des sociétés qui ont payé le prix fort de cette crise. Pourquoi donc ne pas consacrer une partie de ces bénéfices pour dédommager plutôt ces entités dans les pays développés ? Cela permettra de protéger des milliers d’emplois.
L’idée restera donc au stade de proposition, sans une mise en œuvre effective. Elle rejoindra des dizaines d’autres idées qui ne verront jamais le jour. Les deux chocs qui ont secoué le monde depuis 2020 (la Covid et l’Ukraine) doivent aboutir plutôt à des actions urgentes sur la dette, qui est le plus gros risque actuel pour les marchés. Le nombre de pays susceptibles, théoriquement, de faire défaut de paiement a atteint un record. Préserver le rôle social des gouvernements doit rester prioritaire, tout en passant à un modèle plus résilient.