Interdit de voyager. Accusé et poursuivi pour 17 chefs d’accusation dont « l’appartenance à une organisation terroriste et blanchiment d’argent ». Et récemment frappé de gel de ses avoirs. Le président du mouvement islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, puisque c’est de lui dont il s’agit, est dans le pétrin… jusqu’au cou.
Décidément, le leader historique du mouvement islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, ne finit pas de manger son pain noir.
Il y a à peine une semaine, 33 personnes dont l’ancien président de l’ARP dissoute, ont été officiellement accusées. Elles sont donc poursuivies par le premier juge d’instruction au bureau 23 du Pole judiciaire antiterroriste. Et ce, pour 17 chefs d’accusation. Au nombre desquels « l’appartenance à une organisation terroriste et blanchiment d’argent ». Notamment dans l’affaire de l’appareil secret du mouvement Ennahdha. Laquelle est en lien avec les assassinats de deux figures illustres de l’opposition de gauche en 2013, Chohri Belaïd et Mohammed Brahmi.
Ainsi, le 22 mai dernier, le juge d’instruction près le Tribunal de première instance de l’Ariana lui imposait une interdiction de voyager. Et ce, pour « entrave à la justice », dans le cadre de l’affaire dite de « l’organisation secrète » d’Ennahdha. Le roi enfin nu?
Ghannouchi frappé au portefeuille
Tout porte à le croire en effet. Le prouve la récente décision de la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF); celle-ci relève de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Effectivement, cette cellule de renseignements financiers a pour attributions clés la réception et l’analyse des déclarations concernant les transactions suspectes. Or elle a annoncé, mardi 5 juillet, le gel des avoirs du président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi; ainsi que de neuf autres personnes accusées dans l’affaire relative à l’association caritative « Namaa Tounes ».
D’ailleurs, la notice de la BCT, signée par le gouverneur de l’institution financière, Marouane Abassi, est adressée aux banques et à la Poste tunisienne. Elle précise que cette décision fait suite à une demande du premier juge d’instruction du Pôle judiciaire antiterroriste près le Tribunal de première instance de Tunis.
« Dans le cadre du dossier d’instruction n°23/6240, le premier juge d’instruction du 23ème bureau du Pôle judiciaire antiterroriste près le Tribunal de première instance de Tunis, a délivré une autorisation relative au gel des avoirs de dix individus ». Ainsi précise la BCT.
Notons que selon des fuites non confirmées officiellement, cette mesure concerne notamment: Rached Ghannouchi et son fils Moadh; sa fille Soumaya; son gendre, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalem; l’ex-Premier ministre Hamadi Jebali, son épouse et ses deux filles Soumaya et Safa.
Par ailleurs, rappelons que Hamadi Jebali fait l’objet d’une enquête pour soupçons de « blanchiment d’argent ». Et ce, en rapport avec des transferts de fonds depuis l’étranger à destination d’une œuvre caritative en Tunisie. Il était interpellé fin juin; avant d’être remis en liberté quatre jours plus tard « pour des raisons de santé ». Toutefois, il devra comparaître devant un tribunal antiterroriste, le 20 juillet.
Le pied de nez de Rafik Abdessalem
Notons également que le couple Rafik Abdessalem et son épouse Soumaya coule des jours heureux dans leur résidence cossue de Londres. Et que, en réaction au gel de ses avoirs, l’homme du Sheraton Gate a eu le culot d’assurer hier mercredi 6 juillet qu’il ne possède que des miettes sur son compte bancaire.
« Félicitations pour vos énormes soldes bancaires… Je n’ai que 1700 dinars dans mon compte bancaire… Félicitations… Même Ben Ali n’est pas descendu aussi bas. Que dieu se venge de tous ceux qui se réjouissent de cette situation », s’est-il écrié sur sa page officielle.
Ennahdha à la rescousse
Bien entendu, le parti de Ghannouchi n’a pas tardé à voler à son secours. Ainsi, affirme-t-il que « Rached Ghannouchi avait procédé à la déclaration de ses biens. Et que ses transactions bancaires sont légales. De même qu’il n’a pas reçu de fonds, de quelque partie que ce soit, ni extérieure, ni intérieure; y compris l’association Namaa, objet d’une enquête judiciaire. Et il n’a opéré de virements financiers au profit d’une quelconque association ».
Et d’ajouter dans un communiqué publié hier mercredi 6 juillet « suite à la parution de la décision du gel des comptes bancaires du président d’Ennahdha, sur fond de l’enquête dans l’affaire de l’association Namaa pour le développement, Ennahdha affirme que l’obstination du pouvoir du coup d’Etat d’impliquer le nom du président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, dans le dossier de ladite association, et autres affaires, s’inscrit dans le cadre du dénigrement et d’accusations tendancieuses ».
Une fortune personnelle colossale ?
Rappelons enfin que selon des rumeurs non vérifiées et vivement démenties par Ennahdha, Rached Ghannouchi, lequel n’a jamais été connu pour être un homme d’affaires ou pour avoir exercé une fonction autre que politique, serait à la tête d’une fortune colossale. En outre, il serait en possession de comptes en Suisse; ainsi que des participations dans trois entreprises en France. Et que sa fortune personnelle serait directement gérée par ses deux fils, Mouadh et Souheil, ainsi que par son gendre Rafik Abdessalem.
Allégations mensongères selon Ennahdha? Soit. Mais il y a de quoi susciter des soupçons d’enrichissement illégal.