C’est le cœur brisé que je vais m’exprimer de la sorte à propos de mon pays. Je rentre de Dubaï où j’ai été pour la première fois afin de visiter l’Expo 2022. J’ai quitté un exemple de propreté, de modernité, de bonne organisation et de discipline. J’ai quitté une exposition dans laquelle un grand nombre de pays ont démontré leur capacité à se projeter dans un futur numérique. J’ai quitté un rêve rendu réalité pour revenir vers le misérabilisme tunisien.
Un misérabilisme qui ne tient pas seulement d’une très mauvaise gestion politique et économique du pays mais surtout d’une mentalité ancrée dans une idéologie obsolète d’un passé révolu et dont nous refusons de nous libérer. Un misérabilisme mental qui va jusqu’à flouer la vision de l’avenir de nos enfants. Un misérabilisme populiste qui ne reconnait ni compétence ni mérite et qui nous traîne vers les bas-fonds de la misère collective.
Ayant vécu au Kuwait et au Qatar entre les années 65 et 70, je sais parfaitement à quoi ressemblait la région du Golfe. A l’époque les Emirats n’existaient même pas encore en tant qu’union. Ils n’étaient que des tribus bédouines éparpillées dans le désert, vivant de manière très élémentaire. Une époque pendant laquelle la Tunisie rayonnait de mille feux. Nous étions fiers de notre Tunisianité, de notre Histoire millénaire, de notre destour avant-gardiste, de notre modernité, du statut de la femme tunisienne, de notre enseignement obligatoire pour tous et de la beauté des paysages verdoyants de notre pays.
Qu’en est-il 67 ans plus tard ?
Nous qui avions tout pour être les leaders du monde arabe, non seulement nous n’avions pas su à l’époque assumer ce rôle, puisque l’Egypte nous y a devancé, mais même aujourd’hui après 10 ans de transition démocratique unique dans le monde arabe, nous sommes désormais à la traine du monde entier. Nos acquis sont en voie de disparition et nous en sommes au point «nulle part » !
Les Emirats ne nous ont pas uniquement dépassés, ils nous ont carrément écrasé, et ce, grâce à la pertinence de leur choix unioniste, à leur bon sens inné et à une exceptionnelle volonté de servir leurs peuples. Ils sont aujourd’hui un exemple à suivre et une locomotive d’émancipation vers le futur.
Les Tunisiens toujours ancrés dans un passé révolu, renient tous ces efforts déployés en se justifiant par un « Oui, mais le mérite ne leur revient pas. Ce sont des étrangers qui ont réalisé tout ça, ce ne sont pas les enfants du pays »
Ces propos me font sourire. Aurait-il fallu que les Emiratis attendent d’instruire tous leurs enfants ?! Attend-on que son fils devienne médecin pour se faire soigner ?! Ou qu’il devienne architecte pour construire sa maison ?! Bien sûr que non !
Engager les compétences nécessaires
Il faut avoir suffisamment d’humilité pour reconnaitre que nous n’avons pas un certain savoir-faire et donc d’accepter d’engager les compétences nécessaires en attendant de bien éduquer nos enfants pour garantir la relève et la continuité. Je ne cesserai de dire que la seule arme durable reste le Savoir !
Un proverbe populaire dit que « Nous ne sommes pas assez riches pour acheter de la camelote » Et cela les Emiratis l’ont bien compris. Ils construisent vigoureusement et en toute détermination le futur !!
Quant à nous, nous ne cessons, en dehors de tout bon sens, de bricoler autant le présent que le futur. De plus, c’est tellement mal bricolé que chaque nouvel arrivant aux commandes ne se trouve pas dans l’obligation de poursuivre une œuvre déjà fortement reconnue et engagée mais s’érige lui-même en innovateur condamnant de la sorte toute évolution pérenne.
Vers un nouvel ordre mondial
Dans un monde globalisé, nous n’avons pas le droit à l’échec. Le bon sens nécessite beaucoup de pragmatisme, de faire appel aux compétences et de s’adapter à l’environnement global surtout si l’on n’a pas les moyens de nos idées.
A ce jour, et avec la guerre en Ukraine, un nouvel ordre mondial est en voie de se mette en place. Si je condamne fermement cette guerre, il n’en reste pas moins qu’un nouvel équilibre des forces mondiales est nécessaire.
L’Occident et à sa tête les USA ont bien trop abusé de leur hégémonie. A mon sens, la Russie joue actuellement un rôle de miroir qui permettra à l’Occident de se remettre en question, d’acquérir de l’humilité et de réaliser que le reste du monde aussi avance et aura désormais son mot à dire. Entre le pouvoir économique et industriel Chinois, la puissance pétrolière du monde Arabe et la force nucléaire Russe, c’est la fin évidente de l’hégémonie occidentale.
Quant à la petite Tunisie, notre seule et unique voie de secours reste l’union maghrébine. Face à la guerre en Ukraine qui risque fort de s’élargir vers une partie de l’Europe voire même de se nucléariser, l’union maghrébine doit non seulement être revue et corrigée afin de devenir effective au plus vite, mais elle se doit aussi de s’étendre rapidement à toute l’Afrique du Nord, c’est-à-dire en englobant la puissance militaire Egyptienne. Ce sera l’unique façon d’établir un vrai partenariat d’égal à égal avec l’Europe afin de protéger nos intérêts ainsi que les leurs et de devenir concrètement une porte d’entrée blindée pour tout le continent Africain désormais devenu ressource vitale de la planète.
Nécessité d’une véritable Union maghrébine
L’Egypte, influenceur reconnu dans la région a un rôle historique à jouer. Il revient donc au Maréchal Abdel Fattah Al Sissi d’entamer des pourparlers avec les pays Nord –Africains dans le sens d’une union salutaire pour tous. Seul, chaque pays Nord- Africain risque d’être colonisé de nouveau tant les enjeux du gaz et du pétrole sont vitaux pour l’Occident.
Cela nécessite de mettre de côté les egos des différents dirigeants et de dépasser les obstacles mis par les uns et les autres pour empêcher qu’une telle union n’ait lieu. Il faudrait surtout construire une nouvelle vision d’un futur commun et se défaire définitivement des mentalités misérabilistes pour se mettre enfin au service de l’avenir de nos enfants afin de leur garantir stabilité, espoir, paix et dignité.