Le Petit Robert est pris à partie par de nombreux politiciens français, dont le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, et François Jolivet, député LREM (La République En Marche). La raison? L’inclusion dans le célèbre dictionnaire d’un nouveau néologisme ‘’iel’’ qui se prononce « yell ». C’est une contraction de « il » et « elle », deux pronoms personnels masculin et féminin, initiée par la communauté LGBT pour désigner les personnes non binaires. C’est-à-dire les personnes qui ne se reconnaissent pas exclusivement dans un genre masculin ou féminin.
Pourquoi le Petit Robert a-t-il jugé utile d’inclure dans ses pages ce nouveau « pronom personnel » qui fait polémique? Charles Bimbenet, directeur général des éditions Le Robert explique: « Le sens du mot “iel” ne se comprend pas à sa seule lecture– dans le jargon des lexicographes, on dit qu’il n’est pas “transparent” –, et il nous est apparu utile de préciser son sens pour celles et ceux qui le croisent, qu’ils souhaitent l’employer ou au contraire le rejeter. »
« Complot wokiste »
Cette explication ne semble pas convaincante pour certains responsables français qui ont vite crié au « complot wokiste ». La référence vise le « wokisme », un « courant idéologique » qui vient des Etats-Unis. Wikipédia nous apprend que « le terme anglo-américain woke (éveillé) désigne le fait d’être conscient des problèmes liés à la justice sociale et à l’égalité raciale. En raison de son adoption croissante au-delà de ses origines afro-américaines, le wokisme est devenu une expression fourre-tout utilisée pour dénigrer des idées progressistes, souvent centrées sur la défense des droits de groupes minoritaires. »
Le député François Jolivet était le plus clair à s’exprimer dans ce sens : « Cette orientation du Petit Robert », écrit-il dans une lettre à l’Académie française, « serait le stigmate de l’entrée dans notre langue de l’écriture dite ‘’inclusive’’, sans doute précurseur de l’avènement de l’idéologie ‘’Woke’’, destructrice des valeurs qui sont les nôtres. »
Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer n’est pas plus tendre à l’égard de l’initiative du célèbre dictionnaire: « L’écriture inclusive, dit-il, n’est pas l’avenir de la langue française. Alors même que nos élèves sont justement en train de consolider leurs savoirs fondamentaux, ils ne sauraient avoir le Petit Robert pour référence. »
Le directeur général des éditions Le Robert a choisi l’humour pour répondre à ces attaques : « N’en déplaise à certains, dit-il, le Petit Robert n’a pas été atteint de ‘’wokisme’’ aigu, un mot ‘’non transparent’’ dont nous vous promettons bientôt la définition. »
« Aider à mieux comprendre le monde »
Plus sérieusement, et loin des polémiques stériles, des chercheurs français tentent de donner de la hauteur à ce débat controversé. Ainsi, Mathieu Goux, chercheur spécialiste dans l’histoire de la langue française explique:« Chaque année, les dictionnaires choisissent d’introduire des nouveaux mots. Pour ce faire, l’équipe éditoriale étudie un corpus de textes : œuvres littéraires, articles, posts des réseaux sociaux… Si le nombre d’occurrences d’un mot est important, ce dernier est intégré au dictionnaire. »
De son côté, Marc-Olivier Loiseau, chercheur lui aussi, estime que « cela peut ouvrir la discussion sur la non-binarité. Comme cela a été le cas pour la féminisation des noms de métiers. Le fait d’en parler a entraîné des débats sur la place des femmes dans le monde du travail. »
Pour lui, « la mission du Robert est d’observer l’évolution d’une langue française en mouvement, diverse et d’en rendre compte. Définir les mots qui disent le monde, c’est aider à mieux le comprendre. »
Par ces simples mots, les chercheurs rendent futiles les attaques de politiciens prompts à voir des complots dans tout changement qui vient perturber leurs certitudes idéologiques.