Le sang coule dans l’hémicycle. Avec les députés agressés physiquement par leurs « collègues » d’Al Karama. La violence atteint de telles proportions qu’il est légitime de s’interroger sur la raison d’être du système parlementaire dans son ensemble. A méditer…
Il fallait s’y attendre. Du chahut sous le dôme du palais du Bardo, aux sit-in anarchiques, sans oublier les noms d’oiseaux qui fusent de partout. La violence verbale est passée à un palier supérieur. Avec les scènes insoutenables de visage ensanglanté d’un député victime d’une agression et d’une députée jetée à terre. Des scènes surréalistes dans l’enceinte de l’honorable hémicycle que les Tunisiens, médusés, n’oublieront pas de sitôt.
Agression physique
En effet, les députés du bloc démocrate, Samia Abbou et Anouar Bechahed, étaient agressés physiquement dans les couloirs de l’Assemblée, hier lundi. Par des députés d’Al Karama, Seifeddine Makhlouf, Zied Hachemi et Mohamed Affes. Et ce, lors de la réunion de la Commission de la Femme à l’Assemblée des représentants du peuple.
Sachant que la dite Commission s’était réunie à la demande des associations et organisations de la société civile. Afin d’examiner les propos misogynes proférés à l’encontre de la femme tunisienne par le sulfureux député d’Al Karama, Mohamed Affes.
Était témoin oculaire de l’agression violente contre le représentant du Bloc Démocrate, Anouar Bechahed, la plus jeune députée à l’ARP, Mariem Laghmani. Elle indique que les députés d’Al Karama ont pris d’assaut le Comité de la Femme. Puis, ils agressaient verbalement leurs “collègues” en leur lançant des bouteilles d’eau. Anouar Bechahed a été frappé avec une bouteille; tandis que Samia Abbou était mise à terre.
Déni et mensonges
Pour sa part, Seifeddine Makhlouf a nié être à l’origine des violences dont on l’accuse. “Anouar Bechahed a été griffé accidentellement au visage par l’élue Amira Charfeddine et non agressé par des députés Al Karama”. C’est ce qu’il explique, sans rire.
Pour rappel, en amont, c’est en évidence l’intervention jugée misogyne et insultante envers les femmes par le député salafiste d’Al Karama, Mohamed Affes, qui était à l’origine de la polémique ayant abouti aux violences physiques au sein du Parlement.
Vulgarité et misogynie
Puisque, Affes avait tenu un discours d’un autre âge, empreint de haine et de mépris envers la femme tunisienne. Sans que le vice-président de l’ARP qui dirigeait les débats, n’ait eu le courage de l’interrompre. Cela se déroulait lors d’une intervention, jeudi 3 décembre 2020, en présence de la ministre de la Femme, la Famille et les Personnes âgées.
“Ce qu’ils appellent liberté de la femme est en réalité du libertinage et un manque de morale”, avait-il argué doctement. Et de poursuivre: “Pour eux, c’est une marchandise à bas prix… Les acquis de la femme pour eux sont les mères célibataires, avoir des enfants hors mariage, le droit à l’avortement, les pratiques sexuelles malsaines, la liberté sexuelle et l’homosexualité.”
A noter à ce propos que cinq blocs parlementaires ont tenu le président du parlement, Rached Ghannouchi, pour responsable de ces incidents de violence. L’exhortant à ouvrir une enquête et poursuivre en justice les agresseurs; avec une demande de levée de l’immunité parlementaire. Il s’agit en l’occurrence du: Courant démocrate; Mouvement populaire; Tahya Tounes; Bloc réformiste; Qalb Tounes; ainsi que des députés indépendants.
Pour sa part, la présidence de l’ARP a déploré les incidents survenus au parlement, ordonnant l’ouverture d’une enquête à ce sujet. Elle appelle les blocs parlementaires à “faire preuve de retenue. Et à ne pas s’enliser dans la spirale de violence, notamment dans cette conjoncture délicate”.
Saïed: « Traîtres et criminels »
Aussitôt dans la soirée du lundi 7 décembre 2020, le président de la République a reçu une délégation de l’ARP. Elle se composait des députés Amel Saïdi, Anouar Bechahed, Samia Abbou, Abderrazak Aouidat, Leila Haddad, Mohamed Ammar, Mounira Ayari et Najmeddine Ben Salem.
Visage fermé, le ton martial, Kaïs Saïed a assuré qu’il ne tolérera pas les tentatives visant à disloquer l’Etat. Menaçant de “riposter plus encore qu’ils ne s’imaginent. Et ceux qui pensent qu’ils peuvent compter sur l’aide des traîtres et des criminels en cachette en paieront le prix”; ainsi a martelé le chef de l’Etat. Et de poursuivre: “C’est une mise en garde. Je refuse la violence dans la rue; alors comment puis-je la tolérer au sein même des institutions de l’Etat?”
Insolence
Réponse immédiate et d’une rare insolence de la part de Seifeddine Makhlouf. En publiant sur sa page FB une séquence vidéo accusant Kaïs Saïed de s’être comporté, “non pas comme un président de la République; mais comme un parti d’opposition. En prenant position pour une partie du conflit, sans enquêter et sans chercher la vérité”.
Et de pousser l’insolence à l’extrême: “Il ne peut rien me faire. Ben Ali avait menacé bien plus que lui et n’a rien pu faire”.
Ah bon! Parce que M. Seifeddine Makhlouf était un notoire opposant qui encourait les foudres de l’ancien régime?
Heureusement que le ridicule ne tue pas.