Nous vivons un moment de notre histoire économique et sociale. Il devient patent que les instruments traditionnels de financement de l’investissement public et privé ne sont plus opérants ou à tout le moins suffisants.
Les entreprises privées, comme publiques, peinent à trouver les financements adéquats par le biais d’un système bancaire lui même en butte à des enjeux vitaux de rentabilité, de renforcement de fonds propres, de gestion de nouveaux risques, … et l’absence de finance alternative.
Exploiter toutes les opportunités
Il est plus que temps de faire preuve d’originalité, d’innover et d’adopter d’autres moyens alternatifs pour diversifier les sources de financement. Cette démarche doit s’inscrire dans une vision, celle d’une finance durable socialement et écologiquement responsable.
Les issues envisageables postpandémie Covid-19 devraient constituer une opportunité, dans le cadre de la mise en place indispensable d’un plan de relance et de transition énergétique et numérique, pour mettre en place de nouveaux instruments plus en adéquation avec les exigences de l’économie de demain nécessairement plus sociale et plus verte.
Les émissions en obligations vertes, sociales et durables (Green, Social and Sustainable « GSS ») ont connu depuis une dizaine d’années une croissance exponentielle. Ainsi, elles sont passées de seulement 600 Millions € en 2007 à plus de 200 milliards $ en 2019 avec cinq pays qui accaparent le tiers des émissions (USA, Chine, France, Allemagne et Pays-Bas). Ce chiffre devrait atteindre plus de Mille milliards à l’horizon 2023.
La BEI, qui a initié le mouvement, a été très vite suivie par la Banque Mondiale et les principaux bailleurs de fonds dans le monde. Concomitamment, des Green Bonds Principles « GBP », des Social Bonds Principles « SBP » et des Sustainable Bonds Guidelines « SBG » ont été édictés pour définir et cadrer ce nouveau instrument.
Le dispositif est actuellement opérationnel et testé dans tous ses segments dans une cinquantaine de pays. L’objectif qui doit être le notre est de sensibiliser les décideurs et autres opérateurs sur l’urgence de recourir, ne fut-ce qu’à titre expérimental, à ce type d’instruments d’émission et de bénéficier des ressources mises à disposition.
Le CMF a d’ores et déjà engagé le travail de mise en place du cadre réglementaire à travers l’adoption prochaine d’un Guide des obligations vertes, sociales et durables et une première expérience sera alors possible.
Les prérequis
Pour un démarrage efficient en Tunisie, il faut réunir toutes les conditions de réussite en s’inspirant des cas de réussite dans le reste du monde et en mettant en place un écosystème favorable.
Cela passe nécessairement, dans un premier temps par la mise en place d’un cadre réglementaire, [Le CMF devrait finaliser rapidement le Guide relatif à l’émission des obligations vertes, sociales et durables en Tunisie], qui doit faire l’objet d’une consultation la plus large. L’objectif étant d’obtenir un consensus autour du modèle et être convergent avec les standards internationaux pour faciliter les levées de fonds et les souscriptions de l’étranger. Toute cette démarche devrait aboutir à la mise en place d’un « label GSS » normé et certifié.
Les projets cibles
Les secteurs dans lesquels des actions peuvent être menées avec un potentiel énorme en termes d’énergies renouvelables, de soins de base, d’inclusion, de lutte contre la pauvreté, de restauration d’édifices publics, de recyclage et de retraitement, de transport public multimodal, …sont nombreux.
Maintenant, et comme toujours, il s’agit d’initier le premier projet qui servira d’exemple pour prouver la validité du concept et permette d’ambitionner de drainer le maximum de ressources disponibles chez les multilatéraux et les institutionnels.
(Cet article a été publié dans SPECIAL FINANCE 2020)