“Donner une assise politique plus confortable au gouvernement par l’élargissement de sa base parlementaire est dans l’intérêt du gouvernement et non du mouvement Ennahdha”. C’est ce que déclarait mardi le député et membre du bureau politique du mouvement Ennahdha, Belgacem Hassan.
Il a précisé, dans ce sens, que le refus de la proposition d’Ennahdha par le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh ne changera rien à la position du mouvement.
Ainsi, M. Hassan a fait savoir que le chef du gouvernement a exprimé au mouvement sa certitude dans le fait qu’une assise politique élargie serait bénéfique. Mais que pour le moment, il préfère poursuivre le travail avec la même composition gouvernementale.
Ennahdha exige l’ajout de ministres
Cependant, le membre du bureau politique d’Ennahdha rappelle dans ce sens que le document de stabilité et de solidarité gouvernementale qui n’a pas été signé jusque-là, comportait un point mentionné par Ennahdha. Il concerne “l’intention d’élargir la coalition gouvernementale”. Et ce, dans le but de garantir une base parlementaire confortable au gouvernement; à même de faciliter l’adoption de projets de loi.
En effet, ce point a essuyé le refus des autres partis de la coalition gouvernementale et du chef du gouvernement. D’ailleurs, ce dernier assurait dimanche dernier dans une interview télévisée qu’il n’y a pas de place pour le parti Qalb Tounes dans son gouvernement.
Finalement, cette proposition a été retirée du document gouvernemental. Celui que M. Fakhfakh soumettait en mai dernier à ses partenaires au gouvernement pour renforcer la solidarité entre eux.
“Nous voulons que toutes les forces parlementaires soient unies face à celui qui prend pour cible le régime politique du pays. Nous appelons à ce que la majorité parlementaire soit en harmonie avec celle du gouvernement; mais il n’en est rien aujourd’hui”, regrette-t-il.
À la question de savoir pourquoi Ennahdha a accepté la composition du gouvernement actuel malgré ses réticences. Belgacem Hassan explique que son parti n’a cessé d’appeler à intégrer d’autres composantes au gouvernement en place.
Car, “le mouvement Ennahdha n’a de problème ni avec le mouvement Echaab, ni avec le chef du gouvernement, ni avec le Président de la République. Son but est de convaincre ces acteurs politiques quant à l’importance d’élargir la coalition gouvernementale. Et ce, afin de faire prévaloir l’intérêt national”. Ce sur quoi il insiste.
En outre, Belgacem Hassan indique dans ce sens que le mouvement Ennahdha n’a pas demandé à exclure le mouvement Echaab pour le remplacer par Qalb Tounes. Mais exige l’ajout de ministres à la composition actuelle du gouvernement pour le bien de l’intérêt général.
D’ailleurs, “il est du droit de la deuxième force politique au parlement (Qalb Tounes) d’être dans le gouvernement. Il est inconcevable de voir le premier parti vainqueur aux élections dans le gouvernement et le deuxième dans l’opposition”, soutient-il encore.
Qalb Tounes n’est pas concernée par la participation au gouvernement
De son côté, le député et membre du bureau politique de Qalb Tounes Jawhar Mghirbi, a fait savoir que sa formation politique n’est pas concernée par la participation au gouvernement. Et que cette question ne fait pas parties de ses priorités.
Selon M. Mghirbi, “le parti ne cherche pas à reproduire un projet perdant. Nous ne voulons pas partager l’échec avec celui qui gouverne actuellement. Nous voulons une évaluation réelle de la situation économique et sociale dans le pays. Celle-ci nous permettra à posteriori de nous décider, s’il faut prendre part à ce gouvernement ou non. Et sur le principe d’un gouvernement de salut national comportant toutes les parties, sauf celui qui s’exclut lui-même”. A cet égard, M. Mghirbi fait observer que son parti ne partage pas les visions politiques du chef du gouvernement Elyes Fakhfakh.
“Qalb Tounes estime que le chef du gouvernement suit la même démarche que celle qu’il empruntait en 2013, quand il était ministre des Finances. Cette démarche se base sur des impôts abusifs, le gel des salaires. Et d’autres mesures qui visent à porter préjudice au pouvoir d’achat des catégories sociales moyennes et vulnérables”, indique-t-il.
A ce propos, le membre du bureau politique de Qalb Tounes évoque le dernier rapport de la Banque mondiale sur la Tunisie. Lequel fait état d’une difficulté majeure relative à la gouvernance du service public.
De plus, M. Mghirbi précise que Qalb Tounès n’a pas d’engouement sur le pouvoir. Il ne perçoit pas le gouvernement comme de simples quotas partisans. Il appelle donc le gouvernement à présenter les vrais chiffres concernant la situation financière et économique. Mais également ceux relatifs à la situation des entreprises et institutions publiques.
Toutefois, notons qu’Ennahdha proposait de nouveau l’élargissement de la composition gouvernementale. Et ce, au lendemain du vote par le mouvement Echaab de la motion présentée par le Parti Destourien Libre (PDL). Elle demandait le refus de toute ingérence étrangère en Libye.
Majorité parlementaire et majorité gouvernementale
De même, le président du parlement Rached Ghannouchi qualifiait d’anormale de voir des partis de la coalition au pouvoir s’opposer les uns aux autres; lors de la séance plénière du 3 juin. Et ce, au cours d’un entretien sur la chaîne de télévision privée Nessma TV, le 8 juin en cours. Pour lui, le vote des mouvements Echaab et Tahya Tounès pour la motion du PDL contre Ennahdha n’est pas compréhensible. D’où, selon lui, le besoin d’un changement dans la structure du pouvoir. Pour que la majorité parlementaire corresponde au mieux avec la majorité gouvernementale.
De son côté, le président du groupe Ennahdha au parlement, Noureddine Bhiri, apportait des précisions. En effet, il déclarait que son parti n’avait pas signé le document de solidarité gouvernementale. Après la demande des représentants du mouvement Echaab de retirer la partie relative à la solidarité parlementaire.
Le président du groupe Ennahdha ajoutait également que certaines parties au sein du mouvement Echaab adressaient de graves accusations au parti et soutenait la présidente du PDL Abir Moussi. Qualifiant cette attitude de “coup de poignard dans le dos”.
Echaab contre un gouvernement du président
De son côté, le secrétaire général d’Echaab Zouheir Maghzaoui réitère le refus de son parti de ce qu’il qualifie de “gouvernement du président”. Il affirme qu’aucun changement ne sera apporté à la composition de la coalition gouvernementale. Dans ses déclarations, M. Maghzaoui a mis Ennahdha devant deux choix. Soit retirer ses ministres; soit s’adresser au parlement pour retirer la confiance au gouvernement Fakhfakh.
Pour sa part, le dirigeant et député du mouvement Echaab Khaled Krichi relève qu’Ennahdha veut le retrait des mouvements Echaab et Tahya Tounès du gouvernement. Il s’agit, selon lui, d’une réaction politique à l’attachement de son parti au “gouvernement du président” et son refus de voter l’équipe Habib Jemli. Ce dernier a été proposé par Ennahdha.
Lors d’un entretien télévisé dimanche dernier, le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh a affirmé que le président de la République Kaïs Saïed ne lui a jamais demandé d’éloigner Qalb Tounès de l’actuelle coalition gouvernementale. Il a ajouté que ce parti n’a pas, à présent, de place dans l’équipe gouvernementale et que l’élargissement de la composition du gouvernement ne s’avère pas utile en cette conjoncture.
Selon lui, le gouvernement a jusqu’à ce jour réussi à gérer les affaires du pays. Citant en particulier la lutte contre la propagation de la Covid-19. Un changement ministériel demande plus de temps pour mieux évaluer la situation, dit-il.
Avec TAP