L’ARP exprime sa “solidarité totale” avec Abir Moussi menacée de mort. Et ce, dans un communiqué paru hier dimanche. Lequel ne porte pas la signature de Rached Ghannouchi.
Un soutien dépourvu de calculs partisans ou un alibi politique dans le cas où ces menaces seraient mises à exécution? En effet, on se frotte les yeux: Rached Ghannouchi exprime “sa solidarité totale” à son ennemie jurée, la présidente du PDL, Abir Moussi. Alors qu’elle venait de lancer, quelques jours plus tôt, un appel à auditionner le président de l’ARP. Et ce, à propos de ses mouvements jugés “mystérieux et contraires aux lois et aux traditions diplomatiques et parlementaires”. L’accusant au passage de transformer le Parlement en “un outil pour exécuter l’agenda des Frères musulmans au Maghreb arabe”.
Alors que cache ce revirement à 360° du président d’Ennahdha envers une redoutable adversaire politique qui s’est jurée d’avoir sa peau? Retour sur ce dernier week-end plein de rebondissements politiques.
“Soutien et solidarité totale”
En effet, l’ARP publiait un communiqué “de soutien” rendu public, hier dimanche 10 mai 2020, avec 48h de retard. Elle y “exprime sa solidarité totale avec la députée et présidente du Parti destourien libre (PDL) Abir Moussi. Et ce, suite aux menaces de mort qu’elle a reçues. Et invite les autorités compétentes à ouvrir une enquête et à fournir la protection nécessaire et la sécurité à l’élue”.
Alibi?
A savoir que ce communiqué ne porte pas la signature du président du Parlement, ce qui est contraire aux usages. Comme si Rached Ghannouchi ne daignait pas apposer sa signature à un texte qui évoque le nom de la députée à laquelle il exprime “sa solidarité totale”.
De plus, il est de notoriété publique que ce sont les extrémistes religieux issus de la nébuleuse islamiste qui sont à l’origine des menaces de mort proférées sur les réseaux sociaux contre la présidente du PDL. Alors de qui se moque-t-on?
Donc, ne s’agit-il pas d’une sorte d’alibi? Dans le cas où si un malheur survenait, Ghannouchi serait automatiquement soupçonné?
“Une opération de diversion”
D’ailleurs, Abir Moussa n’a pas été dupe puisqu’elle a aussitôt publié une vidéo en direct, dimanche 10 mai 2020. Elle considère qu’il est nécessaire d’entamer une action collective. Et ce, pour lever le voile sur la violence politique, le terrorisme et les assassinats politiques en Tunisie. Car, ils “n’ont pas été résolus jusqu’à maintenant et n’ont servi que pour la récupération politique”.
A noter que dans sa vidéo, la présidente du PDL a laissé entendre, sans l’affirmer directement, qu’Ennahdha serait derrière ces menaces. “Il s’agit d’une volonté d’éliminer la voix patriote de l’opposition. Une voix qui dit la vérité aux Tunisiens et qui refuse de se soumettre à l’organisation des Frères Musulmans”, a-t-elle martelé.
Revenant au communiqué de soutien publié par le président de l’ARP, Abir Moussi estime qu’il ne s’agit que d’une opération de “diversion”. Et ce, à la suite de la vague de soutien affichée en sa faveur. “Il veut paraître pacifique et marquer des points, mais ses manœuvres ne passeront pas”, s’est-elle écriée.
Nabil Karoui: “Moraliser la vie politique”
Emboîtant le pas à son mentor politique, le président de Qalb Tounes, Nabil Karoui, s’est empressé de signer le même jour, dimanche 10 mai, un communiqué où il exprime son soutien et sa solidarité totale avec la députée et présidente du PDL Abir Moussi.
“Il est nécessaire de moraliser la vie politique, de privilégier la logique du dialogue, de la cohabitation pacifique et du respect mutuel, en tenant compte de l’intérêt national”, ajoute la même source.
Moraliser la vie politique? Un appel qui fait sourire quand on se rappelle le parcours “très moral” de M. Karoui, notamment son allégeance “désintéressée” au parti d’Ennahdha.