Afin de soutenir l’économie tunisienne et préserver la stabilité financière à travers une meilleure gouvernance du marché bancaire et un renforcement du contrôle micro-prudentiel, la Banque Centrale de Tunisie ( BCT ) a opté, en collaboration avec les services concernés du ministère des Finances, pour une refonte de la loi bancaire.
Il s’agit de la convergence de la législation bancaire tunisienne avec les meilleurs standards internationaux visant à enrichir l’offre bancaire, et ce, par le développement des services bancaires et des canaux de distribution, en améliorant la transparence, l’équité concurrentielle et les principes de bonne gouvernance dans la régulation du marché bancaire.
A cet égard, après consultation auprès des parties prenantes, le projet de la nouvelle loi bancaire, réparti sur 10 Titres et 201 articles, a été basé sur des axes prioritaires, à savoir :
- Le renforcement du cadre légal relatif aux conditions et aux procédures d’agrément à travers, notamment, l’élargissement des actes nécessitant un agrément pour couvrir la transformation ou le changement de statut, l’extension ou la réduction du champ d’activité et l’implantation à l’étranger, ainsi que le renforcement des critères d’agrément, en y ajoutant des conditions ayant trait à la capacité de l’établissement à satisfaire les exigences prudentielles et à adopter une gestion saine et prudente et à l’inexistence d’entraves potentielles à l’exercice de la mission de surveillance.
- La révision du processus de surveillance via la clarification de l’objectif, des missions, du périmètre et des modalités de la supervision bancaire, ainsi que du processus de contrôle sur place, dans le but d’instaurer une transparence qui favorisera le développement d’une assurance qualité de la supervision bancaire.
- La réorganisation du marché bancaire par le biais de la consécration légale de certaines activités, tels que la finance islamique, le factoring, le leasing, et l’institution de la possibilité de la spécialisation dans d’autres activités.
- L’institution d’un fonds de garantie des dépôts en tant que filet de sécurité répondant aux exigences des standards internationaux.
- La mise en place d’un régime de résolution bancaire qui déroge du cadre commun, eu égard aux spécificité du domaine bancaire, et qui encadre les différentes phases du processus de traitement des difficultés, afin de préserver la stabilité financière, assurer la continuité des activités et des services systémiques, protéger les déposants et éviter le recours aux deniers publics.
- L’amélioration du régime des sanctions via la séparation entre l’autorité qui constate les infractions et celle qui prononce les sanctions, l’institution d’une procédure sanction plus transparente et une plus grande cohérence entre la nature de l’infraction et la sanction correspondante.
Gouvernance des banques et des établissements financiers
Selon la note élaborée par Sofiène Weriemi, Expert – comptable -Associé Auxilium Consulting (*), les principales nouveautés intégrées dans le Titre 3 qui a été consacré à la Gouvernance des banques et des établissements financiers, ont été axées sur l’obligation de séparation des fonctions de Directeur Général et de celles de Président du Conseil d’Administration, l’interdiction aux Directeurs Généraux (DG) et aux Directeurs Généraux Adjoints (DGA) des banques et des établissements financiers d’être membres du CA, ainsi que sur l’obligation de nommer un membre du Conseil d’Administration indépendant représentant les actionnaires minoritaires pour les banques et établissements financiers cotés à la Bourse de Tunis.
Il s’agit également de l’instauration d’un comité de nomination et de rémunération en plus du comité d’audit et du comité des risques sans faire référence à un comité de crédit, de l’obligation de la désignation du responsable de l’audit interne par le Conseil d’administration sur proposition du DG, et de l’obligation d’indépendance des responsables des fonctions d’audit interne, de gestion des risques et du contrôle de la conformité par rapport aux structures opérationnelles.
Les nouveautés de ce projet de loi bancaire se résument, ainsi, dans l’instauration d’un comité de supervision charaïque pour les banques et établissements financiers agréés pour l’exercice des opérations bancaires islamiques, l’obligation d’information et d’autorisation préalables de la BCT pour toute nomination d’un président ou d’un membre du CA ou du Conseil de surveillance, d’un DG, d’un DGA, d’un président ou d’un membre du directoire, et ce, un mois avant la réunion de la structure qui procédera à l’approbation de cette nomination.
Il s’agit, de même, de l’interdiction du cumul des fonctions de DG, DGA ou de membre du directoire d’une banque ou d’un établissement financier avec les mêmes fonctions au sein d’une autre banque, un établissement financier, une société d’assurance, un intermédiaire en bourse, une société de gestion de valeurs mobilières ou une société d’investissement; et de l’interdiction aux DG, DGA et membres du directoire des banques et établissements financiers de gérer toute autre entreprise économique.
Redressement, sauvetage et liquidation des banques en difficulté
Au volet du redressement, sauvetage et la liquidation des banques et établissements financiers en difficulté, la même source a dévoilé que les dispositions du projet de la nouvelle loi bancaire (Titre 6) permettront à la BCT d’intervenir pour redresser les situations des banques et établissements financiers en difficulté, et ce, en ayant la possibilité d’obliger l’établissement en question à mettre en place un plan de redressement pour pallier aux insuffisances constatées, des plans de sauvetage ainsi qu’une commission de sauvetage chargée de l’application desdits plans, la définition d’un ordre de distribution du produit net de liquidation entre les créanciers de la banque ou de l’établissement financier privilégiant les employés et les déposants, à travers un Fonds de garantie des dépôts bancaires et les favorisant par rapport aux créanciers super-privilégiés comme le Trésor public et les caisses sociales ou hypothécaires.
A noter que le Fonds de garantie des dépôts bancaires est une nouvelle institution ayant la forme d’un établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière et administrative. Ce fonds procédera à l’indemnisation des déposants dans la limite de seuils fixés. Les règles et procédures d’indemnisations seront fixées par décret.
Exercice des opérations bancaires
Selon le projet de la nouvelle loi bancaire, l’exercice des opérations bancaires reste soumis à l’obtention d’un agrément préalable. L’expert-comptable a noté que es principales nouveautés se résument comme suit :
- La soumission des changements de catégorie ou d’activité au même agrément préalable.
- L’agrément d’exercice ne sera plus accordé par arrêté du ministre des Finances, mais sur décision d’une commission des agréments présidée par le Gouverneur de la BCT.
- L’obligation de motivation des décisions de refus d’agrément d’exercice des opérations bancaires.
- La mise en place d’une étape d’agrément provisoire qui devrait être accordé pour un délai de six mois, pour que l’agrément définitif soit accordé par la suite sur décision de la commission des agréments.
- La tenue par la BCT d’un registre des banques et établissements financiers agréés, qui doit contenir l’ensemble des informations relatives aux établissements agréés.
- L’interdiction de cession des parts de capital d’une banque ou d’un établissement financier par son actionnaire de référence, sauf en cas de présentation d’un nouvel actionnaire pour le remplacer et après accord de la commission des agréments.
Sanctions disciplinaires et pénales
Au plan des sanctions, le projet de la nouvelle loi bancaire prévoit, selon M. Weriemi, une nouvelle sanction pénale pour toute personne non agréée en tant que banque et qui utilise toute dénomination de nature à créer un doute dans l’esprit des tiers et qui laisse entendre que l’entreprise est une banque.
Il prévoit, également, la définition d’une liste des infractions susceptibles de sanctions disciplinaires prises par le gouverneur de la BCT ou par la commission des sanctions, la définition de la liste des sanctions disciplinaires relevant de la compétence du Gouverneur de la BCT et de celles relevant de la compétence de la Commission des sanctions.
Au final, le nouveau texte de loi prévoit la suppression de l’obligation de désignation d’un médiateur bancaire au niveau de chaque banque ou établissement de crédit. De ce fait, l’Association professionnelle des banques et établissements financiers doit mettre en place une structure ou un organisme de médiation procédant à l’examen des plaintes déposées par les clients de ces établissements.