Nous publions l’interview exclusive accordée par Fatma Thabet Chiboub, président-directeur général du Parc d’activités économiques de Bizerte à l’Economiste Maghrébin (n°661) disponible dans les kiosques.
L’Economiste Maghrébin : Comment se présente le PAEB ? Combien d’entreprises sont-elles en production, dans quels secteurs d’activité et combien totalisent-elles d’emplois ? Peut-on avoir une idée précise du montant de leurs exportations et de leurs intentions d’investissements ?
Fatma Thabet Chiboub : Le Parc abrite, aujourd’hui, sur ses sites d’une superficie totale de 81 hectares, 60 entreprises de diverses nationalités. Plus de 60% d’entre elles opèrent dans le secteur de l’industrie (IMEE, Industrie pharmaceutique, industrie aéronautique, plasturgie, construction navale et de plaisance,…). Le secteur des services a connu, également, au sein du parc, un essor important durant la dernière période avec 4 nouvelles implantations et un projet d’extension (centres d’appels, bureaux d’études, développement de logiciels et services informatiques).
Depuis sa création, le Parc d’activités économiques de Bizerte a totalisé un montant d’investissements de 507,242 millions de dinars, dont 485,846 millions de dinars d’investissements directs étrangers (IDE). L’investissement réalisé au titre de l’année 2014 est de 27,347 millions de dinars, ce qui représente près de 8% du total national des IDE dans les industries manufacturières.
A la date du 30 mai 2015, le Parc totalise un nombre d’emplois d’environ 4.350 personnes, avec un taux d’encadrement de 25% et un taux de main d’œuvre tunisienne de près de 99%. Une nette reprise au niveau de la rubrique emploi a été enregistrée au niveau du Parc.
Durant l’année 2014, les exportations des entreprises installées dans le Parc d’activités économiques de Bizerte ont atteint une valeur d’environ 370 millions de dinars. A partir de l’année 2015 et avec l’entrée en production, notamment du mégaprojet Tunisie Sucre, les exportations du Parc vont connaître une hausse importante.
Durant les 5 premiers mois de l’année 2015, le Parc a signé 4 nouvelles conventions d’implantation : un projet français spécialisé dans la construction de bâteaux de plaisance, un projet italien spécialisé dans la fabrication d’additifs pour la production des antigels et des liquides de freins pour l’industrie automobile, un projet italien de transformation de matières plastiques et l’extension d’un centre d’appel tunisien. Ces projets draineraient à maturité une enveloppe d’investissement de l’ordre de 4 millions de dinars et emploieraient plus de 350 personnes. De nouvelles demandes d’extension et d’implantation sont également enregistrées par le Parc.
La crise économique dans la zone Euro et les difficultés locales post-révolution ont-elles impacté le PAEB ? Y a-t-il eu des arrêts de production, des départs d’investisseurs étrangers, ou au contraire, y a-t-il eu de nouvelles implantations dans la zone ?
A mon avis, les différentes crises économiques dans le monde, qui ont touché notamment le secteur des services financiers et de l’industrie de l’acier depuis 2008, ont contribué au repositionnement des donneurs d’ordre européens par rapport au site Tunisie. La révolution a probablement accéléré le processus.
En fait, les investisseurs font le choix de la délocalisation par rapport à un avantage comparatif dans plusieurs sites de production.
Les mouvements sociaux, les augmentations salariales et la baisse de compétitivité des 3 dernières années ont certainement freiné les intentions d’implantations formulées par les investisseurs potentiels.
Cependant, au début de cette année, une légère reprise est enregistrée, qui peut constituer le signe d’une vraie relance économique durable.
Quels sont les arguments que vous développez pour attirer les investisseurs étrangers et pour renforcer l’attractivité du PAEB ?
Parmi les atouts du Parc d’activités économiques de Bizerte, nous pouvons citer :
- La proximité des principales voies de transport de marchandises, à 10 mn de l’autoroute, 50 mn de l’aéroport, 60 mn du port de Rades/La Goulette. Quant à la voie ferrée, elle permet d’exporter vers l’Algérie en moins de 3h.
- Une infrastructure intra-muros d’excellente qualité.
- Un service d’accompagnement et d’assistance permanente aux opérateurs en vue d’assurer un service adapté à chaque cycle de vie de l’entreprise (formalités administratives et juridiques, préparation de la logistique relative aux conditions d’implantation, assistance au niveau de recrutement, suivi de l’activité,..).
- Une présence des bureaux de la Douane aux entrées des sites du Parc.
- Une équipe jeune, dynamique et très ouverte sur le monde économique.
- Une tradition industrielle et de services de plus de 100 ans dans les régions de Bizerte et de Menzel Bourguiba ainsi que dans tout le gouvernorat de Bizerte, qui permet aux investisseurs de puiser dans les compétences locales et d’être bien intégrés dans leur espace géographique et sociétal.
- Un environnement universitaire diversifié (Ecole d’ingénieurs, faculté des sciences, de commerce, …)
- Un cadre de travail et de vie très agréable.
Quels sont vos plans de développement dans l’immédiat et quels sont vos projets d’avenir ?
Afin d’assurer au PAEB l’impulsion nécessaire, nous avons fixé des priorités pour l’année 2015 et une stratégie pour les 5 prochaines années. Les principaux traits de cette stratégie à l’horizon 2020 peuvent être résumés comme suit :
- Assurer un meilleur soutien au démarrage des entreprises et un accompagnement plus efficace des promoteurs dans les différentes phases de leurs projets en vue d’intensifier le rythme de création d’entreprises.
- Faire du PAEB une plateforme de proximité, notamment pour les services et les activités à haute valeur ajoutée.
- Identifier et développer des filières porteuses dans la région de Menzel Bourguiba.
- Favoriser le repositionnement du PAEB sur de nouveaux créneaux porteurs et à forte valeur ajoutée (aéronautique, biotechnologies et industries pharmaceutiques, mécatronique, industries liées aux énergies renouvelables, services etc.).
- Faire monter en gamme les secteurs traditionnels à travers l’innovation et le développement technologique.
- Moderniser l’infrastructure intra-muros et la rendre plus attractive et plus compétitive.
Le PAEB peut-il évoluer vers un parc technologique, une sorte de Silicon Valley, au regard du potentiel humain, scientifique et technologique de la région de Bizerte ?
Le PAEB est actuellement un parc technologique. En fait, le concept des parcs technologiques est nouveau en Tunisie ; il est en grande partie inspiré du modèle des Parcs d’activités économiques et de leurs expériences.
Le potentiel technologique de la région de Bizerte et Menzel Bourguiba est encore peu exploité. Je pense que les 10 prochaines années peuvent transformer le paysage économique de cette région pour en faire une zone des plus dynamiques et un moteur de croissance pour tout le nord du pays. Le PAEB est l’espace le plus adapté pour accueillir les entreprises innovantes, puisque naturellement destinées au marché international.
La position stratégique de Bizerte et de Menzel Bourguiba est un atout majeur. La France en était consciente et avait fait le choix d’en faire sa base militaire et son dernier site de départ.
Qu’attendez-vous du nouveau code d’incitation à l’investissement pour qu’il soit le plus attractif possible ?
Qu’il préserve les avantages financiers et fiscaux accordés aux entreprises exportatrices, et particulièrement celles installées dans le PAEB depuis 1996. Aujourd’hui plus que jamais, le marché local ne peut permettre des économies d’échelles pour des entreprises industrielles et de services. L’ouverture de notre économie autorise les importations de presque tous les produits et services de par le monde.
S’internationaliser est le meilleur moyen de réaliser des économies d’échelles, se mesurer aux meilleurs mondiaux, acquérir les nouvelles technologies et innover.
Le bilan des 50 ans de performance des entreprises totalement exportatrices, leur nombre et leur apport au tissu national sur le plan économique et social méritent une analyse prudente des conséquences de la remise en cause des avantages accordés et surtout du timing d’application. Pour situer la Tunisie par rapport à l’espace international, il est important de retenir les meilleures pratiques et surtout les exemples de réussites.
Les pays qui réalisent les meilleures performances économiques améliorent l’attractivité des IDE à travers une infrastructure adaptée aux entreprises totalement exportatrices. Ainsi, à titre d’exemple : le nombre de zones franches dépasse les 600 en Inde, les 216 en Chine, permettant de réaliser environ 50% du total des exportations. Aux Emirats arabes unis, il est de 36, drainant 140 billions de dinars d’investissement direct étranger et assurant 26 000 postes d’emplois permanents. Enfin, en Asie Orientale, la part des exportations des zones franches est d’environ 20% des exportations globales. En revanche, cette part se limite à 1% en Afrique du Nord.
Tenir compte de cette dynamique mondiale centrée sur les zones franches et les entreprises totalement exportatrices me semble une des priorités des réformes économiques à entreprendre dans le cadre du nouveau code des investissements