Une collaboration archéologique tuniso-italienne a récemment révélé l’un des systèmes hydrauliques romains les mieux préservés d’Afrique du Nord sur le site de Thuburbo Maius, situé à Zaghouan. Cette découverte majeure comprend des réservoirs intacts, un puits profond de 25 mètres en excellent état de conservation, ainsi que deux vastes complexes thermaux saisonniers utilisés jusqu’au Ve siècle.
Ces résultats couronnent la septième campagne du projet archéologique mené conjointement par l’Institut National du Patrimoine (INP) tunisien, l’Université de La Manouba et l’Université de Bologne. Étendu sur quatre ans, ce programme mobilise plus de cinquante spécialistes — étudiants, chercheurs, ingénieurs et techniciens.
« Les fouilles ne constituent plus notre priorité actuelle. Nous nous concentrons désormais sur l’étude, la restauration et la valorisation des monuments déjà mis au jour », précise Hamdane Ben Romdhane, chercheur à l’INP et membre de l’équipe dirigeante.
L’eau représentait la colonne vertébrale de la vie quotidienne à Thuburbo Maius. Le réseau hydraulique mis au jour illustre la sophistication du génie civil romain : un système intégré de collecte, de transport, de distribution et d’évacuation garantissait un approvisionnement régulier en eau potable. Des canalisations complexes alimentaient les fontaines publiques, les thermes ornés de mosaïques et les habitations privées.
Cette infrastructure s’inscrivait dans le vaste réseau hydraulique de l’Afrique romaine, dont témoigne encore aujourd’hui l’aqueduc visible sur la route reliant Tunis au site archéologique. Les Romains captaient l’eau de sources situées à plusieurs dizaines de kilomètres, l’acheminant via des aqueducs à pente constante, franchissant vallées et montagnes par des ponts et tunnels.
Une fois arrivée en ville, l’eau était stockée dans les castella aquae (réservoirs de distribution) avant d’irriguer l’ensemble du tissu urbain, tandis qu’un système d’égouts souterrains évacuait les eaux usées.
Innovation remarquable de cette recherche : la découverte d’espaces verts et de jardins dans les habitations privées. « Pour la première fois, les maisons ne sont plus perçues uniquement comme des containers de mosaïques, mais comme des écosystèmes complexes », explique Antonella Coralini, professeure d’archéologie romaine à l’Université de Bologne et co-directrice du projet Thuburbo Maius : la ville et son territoire.
Cette approche révolutionnaire permet de reconstituer la végétation antique, ouvrant ainsi des perspectives inédites pour l’aménagement touristique du site. Les Romains avaient développé des solutions ingénieuses de climatisation naturelle : réservoirs souterrains à température stable, architecture optimisant l’ombre, jardins et fontaines créant des microclimats par évaporation.
Après trois années (2022-2024) consacrées à l’étude des thermes et du grand réservoir sous la direction de l’expert tunisien Habib Baklouti, les recherches de 2025 se sont orientées vers l’eau domestique et les espaces verts urbains.
« La collaboration se fait désormais sur un pied d’égalité grâce à la disponibilité de spécialistes tunisiens », souligne Ben M. Romdhane, illustrant l’évolution de cette coopération tuniso-italienne vieille de soixante ans et qui compte aujourd’hui 14 missions actives.
Les résultats dépassent les attentes sur ce site de 40 hectares. Pour la première fois, des indices archéologiques ont été documentés au-delà du périmètre urbain, ouvrant de nouvelles pistes de recherche.
Le ministère des Affaires culturelles a annoncé la poursuite des investigations lors de la prochaine campagne, prévue du 19 octobre au 16 novembre 2025, avec une priorité donnée aux espaces verts urbains, aux systèmes hydrauliques et à l’exploration des zones périphériques.
Ces découvertes fournissent des informations cruciales pour le développement touristique du site ainsi que pour l’élaboration de circuits culturels au bénéfice de l’Institut National du Patrimoine et de l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle (AMVPPC).