Nouvelle éruption de fièvre entre Alger et Paris. La France a renvoyé à son tour, hier mardi 15 avril, douze agents algériens et rappelé son ambassadeur. Et ce, en réponse au renvoi de douze fonctionnaires français en poste à Alger. Les perspectives d’une normalisation des relations s’éloignent.
L’accalmie diplomatique entre l’Algérie et la France aura été de courte durée. En effet, dans un article intitulé « Tebboune joue subtilement la carte de la désescalade », votre humble serviteur signalait le 23 mars 2025 sur les colonnes de leconomistemaghrebin.com que le président algérien appelle à « régler tous les problèmes » avec Emmanuel Macron, son « alter ego »; avec lequel cependant il y eut alternativement « des moments de sirocco, des moments de froid ».
Et de poursuivre : Alors que les relations, au demeurant tumultueuses, entre l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale prenaient un tournant dangereux- notamment depuis que le ministre de l’Intérieur Bruno Retaillau, la nouvelle coqueluche de la droite, a mis sa démission dans la balance si la France venait à céder sur le dossier des Algériens expulsables- le président algérien Abdelmadjid Tebboune semble jouer la carte de l’apaisement en estimant que la crise entre Alger et Paris a été « créée de toutes pièces » et en réitérant sa volonté de « régler tous les problèmes » avec Emmanuel Macron.
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Représailles
Alors, que des deux rives de la Méditerranée l’on pensait que la page était tournée et que le dialogue constructif prenait le pas sur l’enchère populiste, au demeurant stérile et improductive, le cours des événements s’est accéléré brutalement en ce début de semaine. En effet, la France vient de décider, hier mardi, d’expulser « douze agents servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien en France ». Et de rappeler dans la foulée également pour consultations l’ambassadeur français à Alger, Stéphane Romatet. Et ce, en représailles aux douze expulsions de fonctionnaires français annoncées par l’Algérie. Est-ce l’ultime pas avant la rupture des relations politiques entre les deux pays?
Pas si vite. L’Élysée- qui exprime sa « consternation » après ce « nouveau brusque coup de froid » intervenant 15 jours seulement après un appel entre le président Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, censé relancer les relations après des mois de crise- estime que « les autorités algériennes prennent la responsabilité d’une dégradation brutale de nos relations bilatérales ». Toutefois, Paris appelle néanmoins Alger à « faire preuve de responsabilité » pour « reprendre le dialogue ».
Règlement de comptes
Comment expliquer ce « nouveau brusque coup de froid » qui risque d’empoisonner une fois de plus les relations entre Paris et Alger? Rembobinage des faits.
Dimanche 13 avril, les autorités algériennes déclarèrent persona non grata douze fonctionnaires français du ministère de l’Intérieur, en leur donnant 48 heures pour quitter l’Algérie.
Or, il se trouve que les douze agents diplomatiques français expulsés relèvent tous de l’autorité du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, que le ministère algérien des AE qualifie de « ministre qui excelle dans les barbouzeries ».
Le locataire de la place Beauvau « porte la responsabilité entière de la tournure que prennent les relations entre l’Algérie et la France. Au moment où celles-ci venaient d’entamer une phase de décrispation à la faveur de l’entretien téléphonique » entre les présidents algérien et français, renchérit la même source.
Un mystérieux kidnapping
A noter que la décision algérienne aura été prise en guise de représailles à l’arrestation vendredi dernier à Paris de trois Algériens, dont un agent consulaire. Ils sont soupçonnés d’être impliqués dans l’enlèvement et la séquestration d’un influenceur opposant au régime algérien et exilé dans l’Hexagone.
En effet, selon le parquet national antiterroriste, trois hommes, dont un employé au consulat d’Algérie à Créteil (Val-de-Marne), ont été mis en examen vendredi 11 avril « pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le 7ème jour, en relation avec une entreprise terroriste ».
Ces arrestations sont liées à une affaire d’enlèvement présumé qui remonte au 29 avril 2024. Au cœur de cette mystérieuse affaire, figure l’Algérien Amir Boukhors, alias Amir DZ qui accuse les services secrets d’avoir organisé son kidnapping pour l’intimider.
Il s’agit d’un homme de 41 ans, un influenceur suivi par plus d’un million d’abonnés sur TikTok et un des « subversifs », nom donné par Alger à ces opposants en exil qui attaquent le pouvoir algérien depuis la France via YouTube ou les réseaux sociaux. L’Algérie a émis neuf mandats d’arrêt internationaux à son encontre, l’accusant d’escroquerie et d’infractions terroristes. En 2022, la justice française a refusé son extradition.
Réaction indignée de la part du ministère algérien des Affaires étrangères. Celui-ci considère que l’arrestation de l’agent consulaire algérien « n’est pas le fruit du hasard ». Car il se produit « à des fins de torpillage du processus de relance des relations bilatérales », a déploré ce ministère. Tout en exigeant la libération « immédiate » de son agent consulaire. Affaire à suivre.