Dépassement du temps imparti, difficulté à livrer le message essentiel et usage permanent et exclusif de la langue arabe pour du moins certains candidats. Les erreurs de communication n’ont pas manqué au cours des débats télévisés entre candidats à la présidentielle du 15 septembre 2019 auxquels nous avons eu droit.
Des débats télévisés à marquer somme toute d’une pierre blanche. Même s’il leur manquait une confrontation des réflexions, des idées et des promesses.
S’agit-il réellement de débats télévisuels ? La question n’a pas manqué d’être posée après la diffusion, le 7 et le 8 septembre 2019, du premier et du second débats politiques de la présidentielle en Tunisie. Le troisième devra avoir lieu le 9 septembre 2019.
Des débats télévisés qui ont ressemblé plutôt à un oral des candidats à la course à la présidentielle tunisienne. La pratique dans de nombreux pays qui nous ont précédés montre que les débats auxquels nous avons assisté ne collent pas vraiment aux expériences vécues par les démocraties occidentales ni aux définitions données à ce type d’exercice.
Il faut pour s’en convaincre lire, entre autres, l’article de Noël Nel “Éléments d’analyse du débat télévisé” dans Etudes de communications, n° 10-1989, pp. 83 à 92.
Certaines questions n’étaient-elles pas un peu floues ?
Les débats télévisés n’ont pas donné lieu à une confrontation des idées et des opinions entre candidats, exigence des débats télévisés. Pourquoi avoir prévu, à ce propos, des questions différentes pour les candidats en présence ? Alors que le propre de l’exercice était de connaître les idées, les réflexions et promesses des uns et des autres. Et de pouvoir les comparer. En agissant comme ils l’ont fait, les concepteurs et organisateurs des débats n’ont pas permis la contradiction entre les candidats.
Ne fallait-il pas que les animateurs s’engagent un peu plus dans le débat en demandant aux candidats des réactions aux propositions faites par d’autres candidats ? Ou rebondir sur une déclaration pour la préciser ou la confronter à un vécu ? L’ espace de liberté consacré aux candidats pour qu’ils disent ce qu’ils ont sur le cœur en dehors des questions posées était-il suffisant ? Même interrogation concernant les droits de réponses.
Certaines questions n’étaient-elles pas, encore, un peu floues comme exigeant sans doute un peu plus de temps pour un recueil de réponses ? Du genre : “Quelle sont les stratégies –et non pas la stratégie- que vous envisagez pour ce qui concerne… ?”. Peut-on résumer une stratégie, qui, on le comprend bien, demande du temps pour être conçue, en une minute et quelques secondes ?
Un débat incolore et inodore ?
Est-ce pour ces raisons que le débat a semblé à certains –à en croire du moins des commentaires sur les réseaux sociaux- “incolore et inodore” ? Le débat télévisé étant aussi un spectacle, comme le sont du reste toutes les émissions de télévision, la confrontation aurait donné lieu à des critiques voir à des prises de bec. Ce qui est, quoi qu’on dise, courant dans les démocraties. Les concepteurs et organisateurs des débats ont-ils péché par un souci exagéré de voir le débat prendre une mauvaise tournure ?
Des réflexions qui ne minimisent en rien –loin s’en faut- l’importance de l’événement. Ni encore l’initiative ainsi que les efforts déployés par les organisateurs. L’établissement de la télévision publique a réussi, à ce juste propos, un sans-fautes. La réalisation a été réellement impartiale.
Un manque d’exercice
Pour le reste, la gestion faite par les candidats de leur présence à ces débats a montré des lacunes du fait sans doute d’un manque d’expérience pour cet exercice et peut-être d’une pas assez bonne préparation. Le media training, qui est l’exercice qui consiste à “se préparer en amont à un passage devant des journalistes” est devenue une science disposant d’un savoir-faire et d’une riche littérature (voir à ce propos notamment : Adrian Dearnell, “Le média training : réussir face aux journalistes“, Paris : Editions Eyrolles, 2014, 152 pages).
Relevons, à ce propos, les erreurs de communication de la plupart des candidats et du premier débat et du second :
- Ils ne regardent pas toujours la caméra qui est chargée de les prendre. Ils regardent pour la plupart d’entre eux les animateurs du débat. Ce qui est considéré comme une erreur. Lorsqu’on regarde la caméra, c’est le téléspectateur qu’on regarde. Un détail ? Non. Car l’on ne convainc quelqu’un que lorsqu’on le regarde dans les yeux.
- Ils ont pour certains des difficultés à rester dans les temps consacrés à leurs réponses. Ce qui qui pousse à dire qu’ils n’ont pas “horodaté” leurs interventions. Ce qui consiste à dire qu’ils n’ont pas réussi à prévoir le temps nécessaire afin qu’ils puissent dire ce qu’ils ont à dire. Oui cela se travaille. Et il est donc arrivé que les animateurs du débat leur coupent la parole.
- Ils n’ont pas toujours, comme on dit dans le travail journalistique, réussi à donner le message essentiel. Le temps dans les médias audiovisuels (radio et télévision) est précieux et la mémoire ne fonctionne pas comme pour l’écrit qui permet à tout consommateur de l’information de revenir sur le contenu qu’il a sous les yeux.
Ni inductions, ni déductions
Il est donc nécessaire, comme l’enseigne un coach qui se respecte de ne pas perdre son temps à expliquer et à aller dans des analyses longues et profondes. Avec des déductions et inductions et autres formules de rhétorique. Et souvent en débitant des évidences. Il faut aller droit au but. Les consommateurs ne retiennent –des tests ont confirmé cette réalité- que les idées simples et les formules chocs. Inutile de préciser ici qu’il n’y a pas lieu également –c’est inutile- de conclure ni de faire des répétitions pour vouloir insister sur un propos.
- L’usage permanent et exclusif de la langue arabe littéraire n’est pas toujours recommandé.
Le candidat s’adressant à une large audience, doit savoir qu’une partie de celle-ci ne comprend pas d’évidence certains mots. Il suffit d’interroger, au cours de certaines émissions diffusées en langue arabe littéraire, certains téléspectateurs pour s’en rendre facilement compte. Les gens ne nous ressemblent pas automatiquement toujours.