Une étude récente intitulée « Les migrants d’Afrique subsaharienne en Tunisie : profils, conditions de vie et dérives des politiques migratoires », présentée à Tunis par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et l’Université de Sfax, révèle que 70% des migrants en situation irrégulière ne font pas confiance aux organisations internationales de la migration. Ces migrants les perçoivent comme complices des régimes européens et incapables d’apporter des solutions humanitaires.
Dirigée par le sociologue Zouhair Ben Jennat, cette recherche de terrain menée au premier semestre 2024 a couvert plusieurs régions, dont le Grand Tunis, Médenine et Sfax. Elle s’appuie sur 402 questionnaires, des entretiens approfondis et des groupes de discussion avec des migrants originaires de divers pays d’Afrique subsaharienne.
L’étude déconstruit les discours alarmistes qualifiant la migration irrégulière d’« invasion » ou de « conspiration internationale », montrant qu’aucune preuve tangible ne les étaye. Elle révèle que 85% des migrants irréguliers sont entrés en Tunisie par voie terrestre, principalement via la frontière algérienne (60%) ou libyenne (25%), tandis que 14% sont arrivés par avion, profitant de l’absence de visa pour plusieurs pays subsahariens.
Un changement notable dans le profil des migrants est observé : ils viennent désormais de plus de nationalités, avec des âges allant jusqu’à 48 ans. L’étude souligne aussi la présence importante d’enfants, accompagnés ou non, et l’émergence de la migration familiale. Par ailleurs, la « féminisation » de la migration progresse, les femmes représentant environ 27% des migrants irréguliers.
Le niveau d’instruction des migrants est globalement élevé : 27% ont un diplôme universitaire, contre 10% d’analphabètes. Selon la politologue Yasmine Oukrimi, 85% des migrants n’ont reçu aucune aide des organisations internationales. De plus, un migrant sur cinq subit une forme d’exploitation économique, 30% souffrent de stress post-traumatique et 40% ont été victimes de violences physiques.
Avec TAP