Face à l’hégémonie incontestable des Etats-Unis et de la Chine sur le secteur de l’intelligence artificielle (IA) générative, Paris et New Delhi tentent d’unir leurs efforts. Et ce, pour se positionner dans cette révolution technologique qui façonnera en profondeur l’avenir de l’humanité. Mission impossible?
« Il est grand temps que nous passions de la science-fiction au monde réel concernant l’application de l’IA ». Ainsi s’exprima Anne Bouverot, envoyée spéciale de la présidence française face, à un parterre de 1500 participants- dont une centaine de Chefs d’Etat, des dirigeants politiques de premier ordre, ainsi que des patrons de la tech du monde entier- qui ont répondu à l’invitation d’Emmanuel Macron à prendre part les 10 et 11 février par à la grande messe internationale consacrée à l’intelligence artificielle (IA) et organisée conjointement par la France et l’Inde sous le dôme de l’emblématique Grand Palais à Paris.
En première ligne, figuraient : le vice-président américain J.D. Vance; le Premier ministre de l’Inde, Narendra Modi; son homologue chinois Zhang Guoqing; le Premier ministre canadien Justin Trudeau; la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen; ou encore Olaf Scholz, le chancelier allemand.
Côté patrons de la Sillicon Valey, l’on notera la présence de : Sam Altman, PDG d’OpenAI, créateur de ChatGPT; Sundar Pichai, PDG de Google; Dario Amodei, PDG d’Anthropic; Xavier Niel, PDG du groupe Iliad et de Free; ou encore Rodolphe Saadé, PDG de CMA-CGM. Sachant que le flamboyant Elon Musk, co-fondateur de X, Tesla et SpaceX aura brillé par son absence.
A couteaux tirés
Reste à savoir pourquoi tout ce beau monde composé d’hommes politiques et de stars de la Sillicon Valey s’est donné rendez-vous dans la Ville lumière?
La raison principale est de toute évidence le tsunami soulevé par le retour triomphal à la Maison-Blanche du fantasque Donald Trump.
Ainsi, vingt-quatre heures à peine après sa prise de fonction, le milliardaire républicain annula le 21 janvier 2025 le décret de son prédécesseur, Joe Biden, qui avait pour ambition d’ « encadrer » l’utilisation de l’intelligence artificielle aux États-Unis.
Dans la foulée, le nouvel locataire de la Maison-Blanche dévoila son « Stargate ». A savoir : un énorme plan d’investissement de 500 milliards $ américains consacré à l’IA. Et ce, afin d’asseoir la suprématie américaine sur l’innovation dans ce domaine stratégique.
Hasard de calendrier? La Chine- qui aura investi plusieurs dizaines de milliards de dollars dans cette technologie de pointe et qui ambitionne de devenir le leader de l’intelligence artificielle générative d’ici 2030 grâce à la recherche fondamentale qui l’a conduite au premier rang mondial en matière de publications scientifiques et de dépôts de brevets- souleva le défi. Et ce, en lançant le même jour que le discours de Trump DeepSeek. Soit une nouvelle application grand public aux performances inattendues qui a bousculé ChatGPT, l’outil développé par l’entreprise américaine OpenAI. Et, excusez du peu, pour un coût au moins dix fois inférieur au concurrent américain.
Le robot conversationnel chinois connut aussitôt un succès foudroyant, arrivant en tête des téléchargements gratuits aux États-Unis et dépassant en popularité l’application de son compétiteur américain.
Pour une place parmi les grands
Conscients de l’impossibilité pour un seul pays de concurrencer la Chine et les Etats-Unis sur le terrain de l’IA, la France et l’Inde tentent de fusionner leurs atouts lors du Sommet de Paris pour se faire une place dans cette révolution technologique comparable, selon les spécialistes, à la conquête de l’espace!
Ainsi, Emmanuel Macron a annoncé dimanche 9 janvier des investissements en France dans l’intelligence artificielle de 109 milliards d’euros dans les prochaines années, « l’équivalent pour la France de ce que les Etats-Unis ont annoncé avec « Stargate » ». C’est le même rapport, a précisé le chef de l’Etat, à la veille de l’ouverture du sommet international sur l’IA de Paris.
Macron, qui a annoncé que 35 sites « prêts à l’emploi » avaient été identifiés pour accueillir des data centers, ces gigantesques bâtiments conçus notamment pour permettre l’entraînement des modèles d’IA, a déjà indiqué que les Emirats arabes unis avaient l’intention de construire dans le pays un centre de données géant, pour un investissement compris entre 30 et 50 milliards d’euros.
Les atouts de New Delhi
Pour sa part, l’Inde, connue pour son immense réservoir d’ingénieurs et de scientifiques spécialisés en informatique se positionne comme un acteur incontournable de l’IA. Chaque année, des milliers d’étudiants diplômés des prestigieux instituts IIT (Indian Institutes of Technology) et d’autres grandes écoles intègrent le marché du travail. Apportant ainsi leurs compétences en intelligence artificielle, en machine learning et en analyse de données.
Bangalore, surnommée la « Silicon Valley de l’Inde », abrite de nombreuses startups spécialisées dans l’IA, ainsi que des centres de recherche de multinationales comme Google, Microsoft et IBM. Cet environnement dynamique favorise l’innovation et le développement de solutions d’IA appliquées à divers secteurs, notamment la santé, la finance et l’agriculture.
Toutefois, la France et l’Inde font face à des obstacles de taille. Les financements restent limités par rapport aux budgets colossaux de la Chine et des États-Unis. Car, que pèsent les 109 milliards d’euros promises par Emmanuel Macron « dans les prochaines années » face au plan d’investissement de 500 milliards de dollars consacré dans l’immédiat à l’IA?