Par Anis Wahabi, expert-comptable
L’économie tunisienne va mal depuis 2011. Affectée par une transition politique qui dure, tous les indicateurs sont au rouge. Et malgré un discours politique amadouant, le chemin des réformes structurelles n’est pas encore arpenté.
Pour garantir le sérieux des politiques publiques, une démarche rigoureuse s’impose. Celle-ci repose sur une analyse approfondie des données, des évaluations d’impact rigoureuses et une transparence totale des processus décisionnels. La participation active des citoyens est essentielle pour s’assurer que les politiques répondent aux besoins réels de la population. De plus, une évaluation continue permet d’ajuster les mesures en fonction des résultats obtenus et de s’adapter à un environnement en constante évolution.
Les élections pour l’investiture suprême, dont le processus est lancé, devraient constituer une occasion en or pour dresser les inventaires, redresser les pendules et mener un débat contradictoire et constructif. Toutefois, bloqué dans des problèmes juridiques sans fin, le débat sur les projets économiques et de développement est oublié. Il serait donc utile, en attendant que le pays retrouve la raison, d’essayer de provoquer un débat de fond sur les réformes nécessaires à mener sur le plan économique et que le politique doit adopter et porter.
1. Cap sur une croissance inclusive
Ce terme « magique » ressort de toute la littérature nationale et internationale publiée sur la Tunisie. Parce que la Tunisie a réussi pendant un certain temps de son histoire contemporaine des niveaux de croissance assez intéressants mais n’a pas assuré la même performance en termes d’inclusion. Il est donc important, après un fléchissement important de la croissance depuis 2011, de reprendre le chemin de la performance.
Les facteurs clés de la croissance économique sur lesquels la politique économique doit se baser sont les investissements, le capital humain, l’innovation, la stabilité macroéconomique, l’ouverture commerciale, sans oublier la gouvernance efficace caractérisée par l’Etat de droit, la transparence, la lutte contre la corruption et la création d’un environnement propice aux affaires et à l’investissement.
L’inclusion, quant à elle, contribue à renforcer la cohésion nationale et permet de maintenir soutenable la croissance à long terme. En développant les compétences de la population et en créant un marché intérieur dynamique.
2. Un modèle économique intelligent
C’est un concept qui émerge dans le paysage économique contemporain, caractérisé par une approche innovante et intégrée de la création de valeur. Il s’agit d’un système économique qui s’appuie sur la technologie, les données et l’intelligence artificielle pour optimiser les processus, améliorer l’efficacité et favoriser une croissance durable. En Tunisie, le plan quinquennal de développement 2016-2020, tout comme le plan triennal 2023-2025, ont placé le slogan du « modèle économique basé sur l’intelligence » au cœur de leurs choix stratégiques de développement. Il reste maintenant la concrétisation de ce slogan à travers une transformation digitale profonde, l’utilisation massive des données grâce à l’intelligence artificielle, la recherche de solutions soutenables prenant en compte les enjeux environnementaux, la flexibilité et l’adaptabilité tant dans le domaine public que privé et le développement de la collaboration et des écosystèmes.
3. On ne réinvente pas l’eau chaude
Dans le domaine de la politique économique, il est essentiel de reconnaître que de nombreuses solutions et de nombreux modèles éprouvés existent déjà et ont démontré leur efficacité dans divers contextes. Plutôt que de chercher à réinventer des approches entièrement nouvelles, il est plus judicieux d’adapter ces modèles à la réalité spécifique d’un pays. Cela permet de capitaliser sur les expériences réussies à l’échelle internationale, réduisant ainsi le risque d’échec et les coûts associés à l’expérimentation. En outre, l’adaptation, plutôt que l’importation brute, est cruciale, car chaque pays possède des particularités économiques, sociales et institutionnelles qu’il faut prendre en compte.
Dans ce contexte, les expériences des pays d’Europe de l’Est montrent que la transition vers une économie de marché est un processus complexe et long, qui nécessite des réformes structurelles profondes, une stabilité macroéconomique, une ouverture sur l’économie mondiale et un investissement dans le capital humain. Bien qu’il n’y ait pas de recette miracle, les pays qui ont réussi ont su s’adapter aux spécificités de leur contexte et apprendre des erreurs des autres.
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 903 du 25 septembre au 9 octobre 2024