La ministre de l’Education nationale, Saloua Abassi, qui aura décidé l’interdiction du port du keffiah palestinien dans les salles d’examen lors des épreuves du baccalauréat 2024, a déclaré que ceux qui s’y opposent, cherchent en vérité « à semer le doute et à la mettre dans l’embarras ».
C’est devenu ces dernières années une blague de mauvais goût : en dépit de tous les moyens sophistiqués- y compris le brouillage électroniques dans les centres d’examen mis en œuvre par le ministère de l’Education nationale pour combattre la triche lors des examens nationaux- l’examen de philosophie du Baccalauréat 2024 qui a débuté mercredi 5 juin 2024, a été encore fuité sur les réseaux sociaux. Et ce, quelques minutes seulement après le début de l’épreuve.
Fraude
« Le fuitage de l’énoncé de l’une des épreuves du baccalauréat est une forme de fraude et la loi sera appliquée », annonçait le directeur général des examens, Mohamed Mili, lors de son passage hier mercredi sur les ondes de la Radio Nationale, en dévoilant que des copies d’examens ont été publiées sur les réseaux sociaux près de trente minutes après le démarrage des épreuves.
« Des poursuites judiciaires et des mesures disciplinaires seront prises à l’encontre des coupables et des élèves complices », a-t-il encore assuré. Tout en ajoutant que les examens du baccalauréat « se dérouleront dans le calme ».
Un acte de déstabilisation?
Mais, c’est la réaction de la ministre de l’Education nationale, Saloua Abassi, fraîchement désignée à ce poste, qui était tout au moins énigmatique. En effet, elle estime qu’on cherchait à faire fuiter les examens des épreuves du baccalauréat afin de la « déstabiliser ». Veut-elle insinuer par là que le fuitage de l’examen de philosophie du Baccalauréat, loin d’être une fraude devenue banale ces dernières années, soit un acte de nuisance contre sa propre personne?
« Alors que j’effectue encore en tant que ministre ma tournée, affirmait la ministre le 5 juin au micro de Jaafar Guesmi sur les ondes de Diwan FM, on fait fuiter, dans le but de frauder, des examens sur quelques pages abjectes, criminelles et douteuses sur Facebook », en assurant qu’il s’agissait « d’une tentative de semer le doute et de la mettre dans l’embarras ».
Et de préciser : « Il s’agit d’une fraude et non d’une fuite… On cherche à me troubler et à semer la confusion… Le ministre de l’Intérieur est en train de barrer la route à la fraude et nous avons installé des appareils de brouillage de réseau et de détection de fraude… Le plus grand mécanisme de détection reste les commissions de correction », a-t-elle encore ajouté.
Corrélation
Faut-il conclure que « les pages abjectes, criminelles et douteuses sur FB » pointées du doigt par la ministre de l’Education nationale sont en corrélation avec sa décision récente d’interdire le port du keffiah palestinien durant les examens du baccalauréat?
Rappelons à ce propos qu’en guise de solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza victimes de la guerre génocidaire menée par les forces d’occupation israélienne, un mot d’ordre fut lancé sur les réseaux sociaux pour appeler les candidats à passer l’examen du baccalauréat drapés d’un keffiah, écharpe emblématique de la cause palestinienne.
A savoir que longtemps synonyme de la cause palestinienne, ce simple tissu d’un mètre carré, traditionnellement plié en diagonale et drapant la tête des paysans palestiniens, est aujourd’hui fièrement porté autour du cou de militants des droits de l’Homme, de manifestants anti-guerre, de stars du sport et de célébrités pour condamner les atrocités commises à Gaza.
Or, craignant que le port de ce foulard ne devienne un outil permettant à certains candidats malhonnêtes de tricher pendant les examens en dissimulant des documents ou des dispositifs électroniques de fraude, le ministère de l’Éducation s’est fendu d’un communiqué, dimanche 2 juin 2024, pour réagir aux appels du port du keffieh palestinien lors des épreuves du baccalauréat.
Tout en réaffirmant avec force « son soutien absolu à la cause palestinienne, en accord avec les positions fermes du président de la République et des orientations de l’État tunisien, qui soutiennent toutes les nations opprimées dans le monde », le communiqué a mis en garde contre « la tentative de certains de profiter de cette cause pour semer le désordre durant les examens nationaux ou pour commettre des infractions dissimulées ».
Par conséquent, « il est interdit de porter le keffiah palestinien ou tout autre vêtement pouvant susciter des soupçons quant au comportement du candidat pendant les examens du baccalauréat dans les salles d’examen », souligne la même source.
Montant au créneau, Saloua Abassi a expliqué pour sa part que « l’interdiction le port du keffiah palestinien lors de l’examen du baccalauréat ne vise nullement la cause palestinienne, comme il est dit, mais le problème réside dans tout vêtement qui rend difficile et complique le processus de surveillance », ajoutant que ceux qui souhaitent porter le keffiah peuvent le faire à l’entrée du centre d’examen, mais ils ne peuvent pas entrer avec dans la salle d’examen.
« Les épreuves du baccalauréat ne sont pas le cadre adéquat pour soutenir la cause palestinienne, d’où la décision d’interdire le port du Keffiah pendant les examens ».
D’ailleurs, a-t-elle précisé lors de son passage le 3 juin 2024 au micro de Hatem Ben Amara sur Jawhara Fm, « même les accessoires traditionnels tunisiens seront interdits quand ils empêchent la surveillance des élèves pendant les épreuves ». Ajoutant que certains « exploitent le keffieh pou tricher ».
Et de conclure : « Les examens sont sacrés. Ce mouvement collectif n’est pas si innocent ».
Surenchère
Au final, il faut reconnaitre que la décision prise par la ministre ne manque pas de pertinence car en réalité, seul le port du foulard palestinien est interdit dans l’enceinte des salles d’examen et nullement à l’extérieur.
Reste à savoir : qui se cache derrière « ce mouvement collectif pas si innocent » ? Les mêmes qui cherchent « à semer le désordre durant les examens nationaux » et ceux qui œuvrent dans les coulisses à mettre la ministre « dans l’embarras » ?
La réponse est claire comme l’eau de roche : les personnes et les groupes qui utilisent en politique la cause palestinienne comme cheval de bataille.
Le hic, c’est que certains activistes parmi les soutiens les plus zélés du processus du 25-Juillet font de la surenchère sur la cause sacrée de tous les Tunisiens. Pour mieux se positionner sur l’échiquier politique dans la perspective du prochain scrutin présidentiel?