On ne se met pas à dos la Russie, seconde puissance militaire mondiale. Tel est le crédo de la Tunisie écartelée entre son souhait de ne pas mettre à mal ses relations avec Moscou, sans pour autant se fâcher avec les Occidentaux. Difficile équilibre…
En effet, la neutralité historique de la Tunisie a été mise à mal par les pressions exercées sur elle par les Etats-Unis et les pays de l’Union européenne. Au moment même où elle frappe avec insistance au portes du FMI.
La Tunisie avait-elle le choix?
Pourtant, notre pays, à l’instar de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, s’est jusqu’à présent abstenu de critiquer ouvertement Moscou pour son invasion de l’Ukraine. Mais, presque à reculons, notre pays a voté, hier mercredi lors de l’Assemblée générale de l’ONU, en faveur d’une résolution intitulée « Agression contre l’Ukraine ». Laquelle « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine. Et qu’elle retire immédiatement, complètement et sans conditions toutes ses forces militaires ». Tout en condamnant « la décision de la Russie d’accentuer la mise en alerte de ses forces nucléaires ».
A savoir que sur les 193 membres de l’Organisation, 141 pays ont approuvé le texte, cinq s’y sont opposés (Russie, Bélarusse, Corée du Nord, Erythrée et Syrie). Alors que 35 se sont abstenus, dont la Chine, l’Inde, aux relations militaires étroites avec la Russie. Mais aussi le Pakistan qui s’est aussi abstenu, malgré de fortes pressions des États-Unis et de l’Europe.
Pressions et intimidation
Par ailleurs, faut-il rappeler à cet égard que dans un tweet publié mardi 1 mars, l’ambassadeur de la délégation de l’Union européenne en Tunisie, Marcus Cornaro, se permettait le luxe de critiquer la position de la Tunisie par rapport à l’invasion russe en Ukraine. « J’espère que cela reflète aussi l’esprit en Tunisie: rester neutre entre l’agresseur et la victime est une prise de position! » Ainsi faisait-il observer avec une ironie non dénuée d’arrogance!
Et que dire également du tweet publié lundi 28 février par l’ancien ambassadeur US à Tunis, actuellement directeur général du Center for American Progress, Gordon Gray, sur la position de la Tunisie face à la guerre en Ukraine.
« Il y a dix ans, le gouvernement de la Tunisie s’est tenu du bon côté de l’histoire en organisant la première conférence des “Amis de la Syrie”. Pourquoi le gouvernement tunisien actuel n’a-t-il pas fait preuve du même courage moral et condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie ? »
Autres temps, autres mœurs, Monsieur l’ex-ambassadeur!
Savoir sur quel pied danser
La vérité c’est que la diplomatie tunisienne ne savait pas sur quel pied danser dans cette affaire.
En effet, officiellement, la Tunisie a dit « suivre avec préoccupation l’évolution rapide des événements en Ukraine ». Et la hausse des tensions dans la région a appelé toutes les parties concernées à « faire prévaloir le dialogue ». Ainsi qu’à « privilégier les voies pacifiques. Afin de préserver la paix et la sécurité dans le monde ». Soit.
De même, le président de la République s’est borné pour sa part à évoquer, lors du Conseil ministériel de jeudi dernier, le rapatriement des Tunisiens en Ukraine. Et ce, sans piper mot de l’invasion russe et sans condamner l’agresseur.
Mais, surprise. L’ambassade d’Ukraine en Tunisie annonçait dans un communiqué officiel publié le 24 février que l’ambassadeur Volodymyr Khomanets avait rencontré le ministre tunisien des Affaires étrangères, Othman Jerandi. Et ce, en présence des chefs des missions diplomatiques de la Pologne et de la Roumanie.
Or, lors de cette rencontre, ajoute le communiqué, le chef de la diplomatie tunisienne « a condamné l’agression armée de la Russie contre l’Ukraine et soutenu l’intégrité territoriale de l’État ukrainien ».
Pourtant, le communiqué du MAE qui a fait suite à cette rencontre n’a rien mentionné de cela. Il évoquait les préoccupations de la Tunisie et le plan de rapatriement des Tunisiens bloqués en Ukraine. Mais aucune mention d’une quelconque condamnation de la Russie…
Qui croire?