L’émotion populaire est à son comble après l’agression sauvage d’un enseignant. Et ce, au sein d’un lycée tranquille de la banlieue d’Ezzahra par son propre élève de 17 ans. Un crime. Un parricide symbolique doublé de la profanation de l’école républicaine.
Non, il ne s’agit pas d’un fait divers qui s’ajoutera aux scènes de violences quasi quotidiennes que nous subissons; soit dans nos foyers, soit dans les espaces publics. Mais bien d’un crime, d’une grave transgression de ce que nous avons de plus sacré. A savoir l’image de l’enseignant, le Pater Noster, baignant dans son sang. Au sein même de l’école, incarnation de la deuxième famille dans l’imaginaire populaire.
Un criminel au visage d’ange
C’est ainsi que le lycée Ibn Rachiq de la banlieue d’Ezzahra, jouissant d’ordinaire d’une bonne réputation, fut le théâtre, lundi dernier, de scènes d’horreur. Et ce, quand un élève d’à peine 17 ans, un rouquin au visage angélique avec un casier judiciaire vierge, poignarda sauvagement son professeur, à trois reprises. Le blessant à la tête, à l’épaule, à la main et à la jambe, avant de prendre la fuite.
Acte prémédité et planifié
Le malheur, c’est que l’agression ne survenait pas lors d’un coup de sang incontrôlable, de folie passagère; ou sous l’emprise d’une quelconque substance narcotique. Mais bien par une planification et une exécution avec un terrifiant sang froid, digne d’un criminel aguerri.
Car, l’adolescent né en 2004, serait passé aux aveux à la brigade judiciaire d’Hammam-Lif. Il aurait donc expliqué qu’animé par un esprit de vengeance, il est rentré chez lui, s’est armé d’une machette et d’un grand couteau de cuisine qu’il a cachés dans son sac à dos. Puis, il est retourné calmement au lycée pour y commettre son crime.
A 16h, durant la récréation, il a demandé aux élèves de quitter la salle de classe pour parler en aparté avec son professeur d’histoire-géographie. Là, il est passé à l’acte en lui assénant un coup de machette sur la tête, avant de le poignarder à maintes reprises, le laissant pour mort. Avant de s’enfuir laissant l’arme du crime dans la cour de l’établissement.
Le motif? L’enseignant lui aurait auparavant refusé de refaire son devoir d’histoire-géo à cause de ses absences répétées.
Il s’en est fallu de peu
L’enseignant, Sahbi Ben Slama, un père de deux enfants en bas âge, a été transférée dans un premier temps dans une clinique d’Ezzahra pour subir une intervention chirurgicale. Puis il a été admis ensuite à l’Hôpital militaire de Tunis. Parait-il, suite à l’intervention du patron de la centrale syndicale, Noureddine Tabboubi.
Il a subi pas moins de sept opérations pour soigner des blessures à la tête, la main, sous l’œil et au dos. Mais sa vie, Dieu merci, n’est plus en danger. Il a même pu échanger quelques mots avec le ministre de l’Education nationale venu lui rendre visite.
Un grand merci aux 12 médecins qui lui ont sauvé la vie. Et notre admiration pour le noble geste de la direction de la clinique. Laquelle a gratuitement pris en charge les premières interventions chirurgicales.
Traduit, hier devant la justice, le criminel en herbe a fait l’objet d’un mandat de dépôt émis par le juge d’instruction du Tribunal de première instance de Ben Arous. Il est accusé de tentative de meurtre avec préméditation et incarcéré au centre de rééducation de mineurs délinquants à El Mourouj.
Réagissant à ce crime crapuleux, le SG du Syndicat général de l’enseignement secondaire, Lassaad Yaacoubi, a estimé dans une déclaration à la télévision nationale que cet incident « est le résultat d’une accumulation et reflète une grave crise sociétale. Et cela n’est pas lié à l’école ou à l’enseignant. Etant donné l’augmentation du niveau de violence dans la société et la violation des établissements d’enseignement par des intrus ».
Des chiffres glaçants
Car, il faut bien l’admettre, la violence s’installe dans l’enceinte de l’école publique. Où certains enseignants sont agressés quotidiennement par les élèves.
Et ce sont les chiffres, froids et éloquents, qui parlent. Ainsi, selon les statistiques du ministère de l’Education, le nombre total de violences verbales et physiques enregistrées dans les collèges et lycées au cours de l’année scolaire 2017-2018 a atteint 15 913.
De même, les élèves sont auteurs de 3 055 agressions enregistrées contre les enseignants. Plus de 12 000 agressions ont eu lieu dans les collèges. Enfin, le nombre de violences verbales perpétrées par des élèves contre leurs enseignants a atteint 2 896 cas, contre 159 cas de violence physique.
Qui dit mieux.