L’initiative prise récemment par Abdelkerim Harouni et Rafik Abdessalam vise à trouver une solution médiane à la crise de succession de Ghannouchi. Il s’agit de l’écarter de la tête du parti, lors du prochain congrès. Et ce, tout en le nommant président d’honneur. Lui permettant ainsi de se présenter à la présidentielle de 2024.
Rached Ghannouchi ne cache plus sa volonté d’être le candidat “naturel” d’Ennahdha pour la course présidentielle de 2024. Il sait pertinemment que pour réaliser ce rêve, il devra nécessairement briguer un troisième mandat à la tête de son parti; même en infraction à l’article 31 du règlement intérieur.
Mais, en privilégiant ses intérêts personnels sur ceux de son parti, le leader et fondateur historique d’Ennahdha risque de jeter le parti islamiste dans une nouvelle zone de turbulences où tous les scénarios sont envisageables. Y compris le schisme ouvert, sans parler de l’éclatement d’un parti qu’il a dirigé de main de fer durant presque un demi-siècle.
Fin de l’omerta
Or, au sein du parti d’obédience islamique réputé pour sa discipline qui s’apparente à l’omerta, les langues se délient désormais.
Ainsi, les détracteurs du cheikh, de plus en plus nombreux, lui reprochent pêle-mêle: son goût immodéré pour le pouvoir; ses manigances pour s’y maintenir; sa mainmise sur les rouages du mouvement d’Ennahdha; sa gestion très personnelle des finances du parti, d’ailleurs très opaques; le train de vie princier qu’il mène avec déplacements en avion privé et voiture blindée. Outre la désignation très contestée par la base de Mohamed Ghariani, un des azlems de l’ancien régime en tant que conseiller chargé du dossier de la réconciliation.
Solution intermédiaire
Et c’est dans ce contexte explosif qu’il faut inscrire la récente initiative prise par le duo Abdelkarim Harouni, le président du Conseil de la Choura et Rafik Abdessalam, époux de la fille cadette de Ghannouchi. Une initiative certainement inspirée par le cheikh de Montplaisir!
En effet, Harouni, fidèle parmi les fidèles, évoquait, hier lundi sur les ondes de Mosaïque FM, la nouvelle initiative sur le report du 11e Congrès d’Ennahdha et l’élection d’un nouveau président.
“Cette initiative ambitionne de renouer le dialogue au sein du parti pour préserver son unité. Nous souhaitons fédérer les enfants du mouvement et trouver une solution intermédiaire”. C’est ce qu’il annonçait comme prélude.
Et d’affirmer que le report du Congrès, prévu en décembre 2020, à 2021 ou 2022 “permettra d’évaluer le revers électoral de 2019; ainsi que de préparer au mieux le scrutin de 2024”. Mais, soulignait Harouni, “le Congrès du parti est un évènement national d’envergure qu’on ne peut réduire à un simple article dans le règlement intérieur du parti”.
Partage des tâches
Revenant sur l’épineuse question de l’alternance au sein d’Ennahdha, le président du Conseil de la Choura a botté en touche. En faisant les louanges de son maître: “Ghannouchi est un leader de haut rang, que ce soit au niveau national ou international”, dixit l’intéressé.
“Ce n’est pas un directeur que nous souhaitons changer. Il s’agit du fondateur du parti. C’est un homme d’Etat avec cinquante ans de militantisme derrière lui. Il faut donc prendre cela en considération”, souligne-t-il. Avant de prononcer la phrase mystérieuse: “Notre démarche vise à partager les tâches entre le président et le leader du parti. Rached Ghannouchi se présentera ensuite à l’élection présidentielle“.
Passation pacifique du pouvoir
A noter que Harouni n’a pas omis de rappeler que l’ensemble des dirigeants de son parti s’engagent à respecter la loi fondamentale “y compris son chef”. “Le mouvement d’Ennahdha comprend le sens de la démocratie et de la liberté d’expression”. Considérant que le parti “respecte également le principe de la passation pacifique du pouvoir”.
D’autre part, le dirigeant islamiste révélait sur le plateau de Midi Show que les dirigeants du parti sont pour l’élection d’un nouveau chef, lors du prochain congrès. Néanmoins, “l’élection d’un nouveau président du parti Ennahdha ne veut dire, en aucun cas, l’éviction de Rached Ghannoichi en tant que leader du parti”.
Bref, on aura compris que pour déplier le tapis rouge devant le chef, le 11eme congrès d’Ennahdha sera reporté sine die, un nouveau président à la tête du parti sera élu, Ghannouchi n’étant pas candidat à sa propre succession. Enfin, il sera désigné président d’honneur à vie. Et le tour est joué.