De toute évidence, la rencontre qui a eu lieu vendredi au Palais de Carthage entre les trois présidences avait pour objectif de mettre en évidence la prééminence de la présidence de la République dans le domaine des affaires étrangères, notamment le dossier libyen.
Le Président de la République Kaïs Saied s’est réuni hier, vendredi 3 juillet 2020, au Palais de Carthage, avec le président de l’Assemblée des représentants du peuple, Rached Ghannouchi et le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh.
Selon un communiqué laconique de la Présidence de la République, “la rencontre a été l’occasion d’examiner la situation générale du pays ainsi que plusieurs autres questions portant sur la bonne marche des services publics de l’Etat”.
Les non-dits
Ah bon ! De quelle situation générale les trois sommets de l’Etat ont-ils débattu ? De la situation fragile du chef du gouvernement englué dans une présumée affaire de conflit d’intérêts et de son avenir politique, de toute évidence.
Surtout, pas un mot dans cet étrange communiqué sur la guerre de tranchées qui oppose les représentants des blocs parlementaires au sein de l’ARP ni de l’image catastrophique que nous renvoient nos élus, occupés à s’échanger des injures de charretiers avant d’en arriver aux mains. Ce qui est dans les mœurs de Saifeddine Makhlouf et consœurs.
Tacle
Au cours de cette rencontre, ajoute ce communiqué à la soviétique, “Kais Saied a insisté sur la nécessité d’accélérer le traitement des affaires économiques et sociales et de trouver des solutions aux revendications légitimes des Tunisiens pour l’emploi, la liberté et la dignité”.
On a compris qu’il s’agit des revendications “légitimes” des protestataires d’el Kamour, auxquels le chef de l’Etat lance un manifeste message de soutien et un tacle appuyé à Elyes Fakhfakh qu’il accuse implicitement de laxisme dans ce dossier brûlant qui risque de faire tache d’huile au bassin minier et ailleurs.
Un président au-dessus de la mêlée
Mais nous arrivons enfin au dernier paragraphe de ce curieux communiqué pour comprendre qu’il constitue le pivot du message présidentiel : “Kaïs Saied a affirmé à cette occasion que le chef de l’Etat est le symbole de son unité, le garant de son indépendance et de sa pérennité et le dépositaire du respect de la Constitution”.
Là le chef de l’Etat s’adresse directement au patron du parti islamiste pour lui rappeler, qu’eu égard à la Constitution, il est le seul habilité à parler au nom de la Nation, un rôle que Rached Ghannouchi ne cesse de lui disputer en marchant sur ses plates-bandes notamment dans l’épineux dossier libyen.
Dans ce contexte, le président rappelle indirectement au président du Parlement que l’impact des querelles partisanes et des divisions idéologiques au sein de l’hémicycle sur la position officielle de la Tunisie est de nature à brouiller et à rendre inaudible la voix de la diplomatie tunisienne.
Pour s’en convaincre, il suffit de revoir la photo officielle communiquée par la présidence de la République où on voit le locataire du palais de Carthage assis, impérial, au milieu de ses invités, s’adressant comme un professeur à ses deux interlocuteurs sans que personne ne pipe mot.
Une manière de démontrer aux deux piliers de l’Etat et à l’opinion publique locale et internationale que c’est lui le maître du jeu.
Tout un symbole et c’est essentiellement l’objectif de cette mystérieuse rencontre.