Alors que les places boursières mondiales broient du noir depuis plus de trois semaines à cause du Coronavirus, il faut bien tenir compte de la particularité du contexte tunisien lorsqu’on va reprendre les échanges à J+1 de la découverte du premier cas du coronavirus (COVID-2019).
Dans ce commentaire, nous ne pouvons pas passer en revue en détail toutes les sociétés cotées. Toutefois, nous allons exposer les principes à appliquer dans l’évaluation de l’impact d’une large contamination par le virus Coronavirus. Les investisseurs ont l’habitude de tenir compte du pire scénario lorsqu’ils se livrent à cet exercice. Ceci explique la plongée des marchés.
1- Examiner la chaîne d’approvisionnement
Le premier élément à tenir en compte est le degré de dépendance de la chaîne d’approvisionnement des fournisseurs étrangers. Actuellement, l’industrie la plus concernée à l’échelle mondiale est celle pharmaceutique vu le poids de la Chine dans la production des matières premières. La Food and Drug Administration (FDA) américaine a déjà annoncé un premier cas de pénurie de médicament en raison de l’indisponibilité d’un ingrédient pharmaceutique actif. Le gendarme de l’industrie surveille également de près la situation de 180 producteurs.
Pour la Tunisie, nous excluons des perturbations significatives de la production à court terme puisque les laboratoires ont l’habitude de constituer des stocks. Si nous prenons l’exemple des derniers comptes publiés par les trois producteurs pharmaceutiques cotés, nous constatons que les stocks de principes actifs fin juin 2019 s’élèvent à plus de 37% de la consommation de tout l’exercice 2018. Il y a donc des réserves suffisantes pour faire tourner les usines. En l’absence d’un début de déclin de la maladie en Chine dans les semaines à venir, les investisseurs pourraient commencer à intégrer une possible baisse de la production de certains produits. Malheureusement, les analystes ne disposent pas d’une image claire sur l’exposition de nos laboratoires. Nous espérons que ces derniers communiquent davantage durant cette période.
Pour les autres industriels importateurs d’intrants, les matières premières ne devraient pas manquer. Elles peuvent même tirer profit des niveaux des cours actuels et d’un dinar en bonne santé par rapport à la même période en 2019.
2- Analyser la structure du chiffre d’affaires et des charges opérationnelles
Le deuxième facteur est la structure des revenus. Théoriquement, plus il y a de l’export, plus le top line est menacé. Néanmoins, cela diffère de ce que l’entreprise vend. Celles qui exportent de l’intelligence et des services informatiques à forte valeur ajoutée sont loin d’être en péril. Mais si elles vendent des matières premières à des industriels ou des produits de grande consommation, il faut s’attendre à une décélération des volumes. Cela devrait s’ajouter à l’effet de l’appréciation du dinar, créant un effet ciseaux pour ces entreprises.
Par ailleurs, quel que soit l’impact de la crise du coronavirus sur le chiffre d’affaires, il ne faut jamais s’arrêter à ce stade de l’analyse. Il faut également jeter un coup d’œil sur la structure des charges. Plus elles sont variables, plus la capacité de l’entreprise à préserver sa profitabilité est élevée.
3- Résilience de la demande interne
Le troisième facteur est l’élasticité de la demande interne. Il est tout à fait normal de voir un changement ponctuel dans le comportement des consommateurs. Et ce, en faveur des produits de première nécessité. Cela concerne les enseignes de la grande distribution. Ces enseignes ont l’expérience de la période post-révolution. Ils facilitent la gestion d’une telle situation. Nous avons observé une capacité à améliorer significativement la productivité du personnel et à augmenter le chiffre d’affaires. Ces deux facteurs peuvent offrir une stabilité des résultats opérationnels. En parallèle, les distributeurs d’autres produits, à l’instar de l’électroménager, pourrait constater un recul de la demande. Les fabricants des produits hygiéniques devraient profiter de la hausse de la demande sur leurs articles. Idem pour les agroalimentaires.
De plus, la structure de la demande est importante. Il faut vérifier, dans chaque cas, si nous sommes dans une situation où la demande dépasse structurellement l’offre (les services financiers à titre d’exemple). Ou qu’elle est positivement corrélée avec les conditions économiques. C’est le cas du secteur immobilier et derrière toute une chaîne de producteurs matériaux et de produits de construction.
4- Exposition aux secteurs potentiellement fragilisés
Le dernier facteur est l’exposition à des secteurs qui peuvent pâtir de la crise du coronavirus, notamment le tourisme. Il y a le transporteur national Tunisair. Il pourrait, en cas de suspension de vols ou d’une saison touristique modeste, enregistrer une baisse des revenus. Bien sûr, il convient de tenir en compte le fait que la flotte reste limitée et que la compagnie pourrait, avec une bonne planification, optimiser son utilisation et garder le cap.
Autre société qui a une exposition moins directe aux flux de visiteurs: la SFBT. Là, il faut tenir compte d’un élément déterminant: même au cours des années marquées par les attaques terroristes, les profits n’ont jamais reculé.
Pour conclure, nous ne pouvons pas nier que la Bourse risque de manquer le pas durant les semaines à venir. In fine, c’est l’ensemble de l’économie tunisienne qui serait mise sous pression. Il faut juste que toute baisse reflète fidèlement l’impact sur les bénéfices des entreprises de sorte à éviter les sur-réactions qui ne font que détruire de la valeur.