Cela fait déjà 13 jours que les autorités tunisiennes refusent l’accès au port de Zarzis d’un bateau commercial qui a effectué en mer une opération de sauvetage au profit de 40 migrants irréguliers entassés à bord d’une embarcation à la dérive trois jours auparavant.
L’équipage du bateau, qui s’est spontanément porté au secours de ces naufragés, se trouve devoir gérer une crise qu’il ne maîtrise pas : à part les efforts du bureau du Croissant Rouge Tunisien de Médenine pour assurer une assistance minimale afin de soulager les souffrances de ces migrants, aucune initiative n’a été prise par les autorités tunisiennes, en manque d’un plan stratégique pour gérer une telle situation, obligées d’opposer un refus d’autoriser l’accostage au port de Zarzis.
Le cauchemar a commencé il y a déjà 13 jours, lorsqu’un pavillon de transport maritime a croisé en mer une embarcation de fortune, visiblement en situation de détresse, qui tentait l’aventure vers le continent européen. Parmi ces migrants, 8 femmes, dont une enceinte et qui se trouve actuellement en situation très critique. Le pavillon commercial s’est comporté selon ce que dictent la morale et le droit international, à savoir intervenir pour sauver des vies en péril en mer, et ce, quels que soient l’emplacement, la nationalité ou la situation des personnes concernées.
Une information a circulé, hier, dans certains médias tunisiens, indiquant que finalement les autorités tunisiennes se sont résolues à donner une suite favorable à l’affaire en accordant au commandant de bord du bateau la permission d’accoster au port de Zarzis. Cependant et jusqu’à cet instant, rien de cela n’a été effectué. Contacté au téléphone, Dr Monji Slim, responsable de la section du Croissant Rouge Tunisien à Médenine, a confirmé le statu quo qui règne encore. Evoquant une situation humanitaire critique et les craintes du commandant de bord du bateau de voir la situation s’aggraver davantage, Dr Monji Slim, en parfaite coordination avec M. Habib Chouat, gouverneur de Médenine, a exhorté les autorités tunisiennes à donner suite aux différents appels en provenance des Organisations Humanitaires et accorder à ces 40 migrants la chance de survie qui leur revient de droit en tant qu’êtres humains.
Certains éléments importants sont à relever au vu de cette tragédie : lors du sauvetage, l’embarcation avec à son bord les quarante migrants se trouvait en plein milieu de la zone SAR (Sea Area Rescue), c’est-à-dire la zone de sauvetage en mer, relevant du domaine d’intervention des gardes-côtes de la marine maltaise. Cependant, ces derniers se sont abstenus d’intervenir et c’est au transporteur maritime tunisien, en l’occurrence une société privée, qui s’est trouvé devant l’impératif de répondre à l’appel du devoir moral, humanitaire et juridique.
A noter que, lors de pareilles opérations de sauvetage, le bateau qui effectue l’opération est dans l’obligation de ramener les personnes sauvées au port le plus proche – à plus forte raison s’il se trouve à proximité du porte dont il porte le pavillon -, en l’occurrence le port de Zarzis. De plus, selon les conventions internationales, la Tunisie est dans l’obligation morale et juridique d’accueillir ces migrants sur son territoire, de leur apporter l’assistance humanitaire qu’il faut et de statuer par la suite sur leur sort.
Or, les autorités tunisiennes ne semblent pas l’entendre ainsi, et c’est semble-t-il le contexte politique qui règne actuellement dans la région à propos de la question migratoire qui a imposé à la Tunisie un tel choix. Car, le droit de la mer lie tous les Etats qui en font partie. Alors que des voix s’élèvent depuis quelques mois en Europe, en Italie et à Malte particulièrement, qui, en s’abstenant de se résigner au devoir de sauver des vies en mer, en bloquant l’accès à leurs port aux bateaux déployés en mer par des ONG humanitaires, en appelant à la création de zones de débarquement des migrants irréguliers en Tunisie et en Libye et à la mise en place de hot-spots où seront installés ces migrants dans ces deux pays, il ne font que créer, dans la région, une situation de non-respect du droit international, une situation où tout le monde fait fi des valeurs humanitaires et morales.
La Tunisie a-t-elle le droit de se comporter de cette manière ? La réponse ne peut être qu’affirmative vu qu’en l’absence d’une stratégie nationale qui permette de gérer la question migratoire dans sa globalité, et qui plus est, d’une loi nationale sur l’asile, une loi qui traduise, sur un plan nationalement souverain, l’engagement humanitaire international de la Tunisie, qui, tout au long de son histoire, n’a jamais failli à accorder la protection aux personnes vulnérables qui viennent chercher refuge sur ses côtes.