Le spectacle de l’humoriste Michel Boujenah, programmé au Festival international de Carthage, a suscité une levée de boucliers à l’UGTT laquelle, par la voix de son secrétaire général, a appelé à l’interdiction pure et simple du spectacle. Quelle est la réaction des députés à cette prise de position de la part de la Centrale ouvrière?
Jilani Hammemi, député du Front populaire, a déclaré : « C’est une tentative dissimulée de normalisation avec Israël. Il a beau être d’origine tunisienne, Michel Boujenah est surtout connu pour avoir soutenu les pratiques de l’armée israélienne à l’encontre des Palestiniens. De ce fait le Front populaire est pour l’interdiction de ce spectacle, car il s’agit d’une provocation inadmissible. Cela touche aux sentiments des Tunisiens pour la cause palestinienne ».
Il ajoute : « Je ne comprends pas cette vague de critiques contre l’UGTT. Quand elle participe à la vie politique, tout le monde applaudit et la soutient mais dès qu’il s’agit de culture tout le monde la critique. Cela n’a aucun sens. C’est son plein droit de s’intéresser à la culture et d’exprimer son avis aussi bien que le plan politique, économique que culturel », s’est-il insurgé.
Quant à Bochra Bel haj Hamida, députée indépendante, pour elle, la liberté d’expression est un acquis gagné de haute lutte : « On ne devrait pas revenir en arrière », a-t-elle dit. Elle précise: « Je ne suis pas d’accord avec les positions de Michel Boujenah, mais je trouve qu’avec ces gens il faut dialoguer. Les propos tenus par Michel Boujenah en faveur d’Israël ont été tenus par la reine de Suède, il y a quelques années, critiquant les mères palestiniennes… »
Selon elle, les gens confondent entre Juifs et sionistes. Si les Juifs tunisiens ont quitté le pays, c’est parce qu’ils ne se sentaient plus en sécurité. « Il faut faire une auto-critique et se dire que si les Juifs tunisiens n’avaient pas été persécutés, ils n’auraient jamais quitté le pays et probablement n’auraient pas soutenu Israël », a-t-elle ajouté; en concluant: « Je suis pour le boycott, mais pas pour l’interdiction. Je n’ai pas à imposer aux autres ma propre position. Cela dit, l’UGTT est censée être en faveur des libertés et non pas rejoindre un camp contre un autre. »
Par ailleurs, Faouzi Ben Abderrahmen, vice-président du parti Afek Tounes, a fait savoir qu’appeler à interdire un spectacle n’est pas très démocratique. Boycotter oui mais pas interdire ».
Et d’ajouter: « Il ne faut pas jouer avec la cause palestinienne car le débat est dépassé et il ne faut pas créer une polémique là où il n’y en a pas. Ce que je retiens surtout de Michel Boujenah c’est qu’il est un farouche défenseur de la Tunisie, fier de ses origines tunisiennes. »
Il conclut : « La liberté avant tout! Interdire l’art n’est plus de mise aujourd’hui, ce serait une régression contre-productive. »
Le ministère de tutelle ne s’est pas encore prononcé sur la question. Peut-on interdire un spectacle au motif que les opinions politiques de l’artiste sont contraires aux nôtres? Dans ce cas, il faut s’attendre à ce qu’aucun artiste étranger n’ait envie de fouler notre sol. A méditer…