L’initiative du Président Béji Caïd Essebsi, relative à la formation d’un gouvernement d’union nationale, relèverait d’un “brio” tactique.
Tout le monde est pris à contre-pied et cela permet de faire assumer les difficultés par l’ensemble des partenaires. Elle force, par les débats qu’elle met à l’ordre du jour, les différents acteurs à dévoiler leurs intentions et met le premier ministre et ceux qui le soutiennent, en situation de hors jeu, confirmant le développement de la présidentialité du régime “parlementaire”.
Dans l’état actuel des choses, le changement de gouvernement est un quitte ou double. Il pourrait remettre en cause la stabilité gouvernementale, sans traiter les difficultés de l’Establishment : dérive du parti Nidaa Tounes, problématique de l’alliance des extrêmes, effets sur le gouvernement. Nidaa Tounes a subi, depuis 2014, de nombreuses mutineries, des guerres de succession, depuis le départ du président-fondateur. Des acteurs officiels ont d’ailleurs alimenté les dissensions, avant de remettre en cause leur propre alignement. La mise sur orbite du parti Machrou Tounes ou Mouvement du projet de la Tunisie, alternative de Nidaa Tounes, n’a pas été convaincante. Pis encore, le cas du parti Irada et les partis perdants des élections.
Le chef du gouvernement a tenté de donner une cohérence à un gouvernement qui n’en a pas. Ses ministres étaient des électrons libres. Cette situation a conduit l’Establishment à un perpétuel entre-deux et donc à une absence totale de réformes.
Le sursis gouvernemental et le repositionnement des acteurs ont différé le traitement des urgences : endettement de l’Etat, aggravation des déficits publics, inflation, dévaluation du dinar, corroborés par la crise socio-économique, la détérioration du pouvoir d’achat, la précarité et le chômage.
Comment redresser la barre et définir un itinéraire de salut pour un bateau ivre? Exigence de l’ordre, image du désordre. Les déclarations d’intention ne suffisent pas.
La formation du nouveau gouvernement est attendue avec patience. L’opinion attend des preuves d’efficacité. Et une efficacité qui repose sur deux jambes : autorité et crédibilité. L’urgence de répondre aux écoutes des citoyens. Pour l’heure, les offres politiques convergentes peuvent difficilement déboucher sur une offre politique organisée.
La feuille de route en préparation, devrait présenter un projet politique crédible, avec un timing d’exécution précis. Les joueurs ne sont pas encore entrés dans le match. Fait d’évidence, désillusion et colère, le peuple n’écoute plus les élites politiques officielles.
Mesure préalable, il faudrait rétablir la confiance, par des mesures de solidarité effectives. Autrement, face aux défis réels, on laisserait gouverner le destin, remettant aux vestiaires, la praxis politique.