Il y a à New York un événement annuel organisé en septembre appelé « Concordia Annual Summit ». Selon ses fondateurs, il s’agit d’un « Forum qui rassemble les plus éminents dirigeants d’entreprises, de gouvernements et d’associations, afin de favoriser le dialogue et de promouvoir des partenariats efficaces. » Le lundi 22 septembre, ce forum a accueilli un événement hors du commun que beaucoup de commentateurs de part et d’autre de l’Atlantique ont qualifié à juste titre de « surréaliste ». Il a réuni David Petraeus et Ahmed Al Sharaa, alias Abou Mohammed Al Joulani.
Il y a 20 ans, lors de la deuxième guerre d’Irak, le premier était général de l’US Army comandant de la 101e division aéroportée; et le second, Al Sharaa, un jihadiste d’Al Qaida, l’organisation qui a détruit les deux tours jumelles et une aile de Pentagone, ouvrant les portes de l’enfer sur le monde arabe.
La suite est connue : un quart de siècle de guerres, de destructions, de massacres de civils, de renversements de régimes et cela continue avec le déchainement génocidaire des psychopathes au pouvoir à Tel-Aviv.
Le chaos, l’anarchie et l’irrationalité en cours dans le Grand Moyen-Orient depuis le 11 septembre 2001 sont tels que tout étonnement est superflu quand on voit un chef jihadiste, responsable, directement ou indirectement, de la mort de milliers d’innocents en Irak et en Syrie, occuper le palais présidentiel à Damas avec la bénédiction de toutes les puissances occidentales sans exception.
Tout étonnement est également superflu quand, 24 ans jour pour jour après la destruction des deux tours jumelles par Al Qaida, l’un de ses anciens chefs est reçu avec les honneurs à New York. Il est le premier président syrien depuis 1967 à prononcer un discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, à être salué par le président américain, à être reçu par le Secrétaire d’Etat et à être l’invité d’honneur de l’un des importants forum de New York…
Le lundi 22 septembre, Ahmed Al Sharaa était donc à ce forum face au général qui, il y a 20 ans, cherchait à l’éliminer. Petraeus était tout sucre tout miel avec son ancien ennemi. Pas un mot sur les massacres des Alaouites, des Druzes et des Chrétiens perpétrés par les milices du nouveau régime en place à Damas; pas la moindre question gênante sur la situation chaotique et tragique en Syrie.
Mais à la fin de cette rencontre très amicale entre ces deux anciens ennemis mortels, David Petraeus a déclaré en regardant Ahmed Al Sharaa tendrement droit dans les yeux : « Nous vous souhaitons force et sagesse dans la tâche difficile qui vous attend. Nous espérons évidemment votre succès, car, en fin de compte, votre succès est notre succès.»
On peut légitimement se poser la question de savoir comment et pourquoi « le succès d’Al Sharaa est en fin de compte le succès des Etats-Unis » ? Quels arguments Petraeus a-t-il en tête pour tirer une telle conclusion ?
La vérité est que le chaos syrien est dans l’intérêt exclusif d’Israël. Et Quand Petraeus dit au président syrien : « Votre succès est, en fin de compte, notre succès », son affirmation est aux antipodes de la réalité. Car la puissance américaine, contrairement à Israël, n’a aucun intérêt dans l’anarchie qui prévaut en Syrie.
La vérité est que le Lobby israélien à Washington, a réussi à déposséder l’Etat fédéral américain de son pouvoir de décision en matière de politique moyen-orientale et l’a transféré à Israël. Pour s’en convaincre, il suffit de se demander qu’a gagné le peuple américain des guerres d’agression et des renversements de régimes en Irak, au Yémen, en Libye, en Syrie, en Palestine et de toute l’anarchie des souffrances endurées par les dizaines de millions d’êtres humains ? Rien, sinon la mort de milliers de ses soldats et la perte de plusieurs trillions de dollars. Toutes ces guerres, l’Amérique les a menées pour le compte d’Israël.
Cette dépossession de son pouvoir de décision au Moyen-Orient prend des proportions ubuesques quand on voit la plus grande puissance du monde non seulement incapable d’arrêter un génocide qui choque la planète entière, mais arme et finance les criminels et les psychopathes qui continuent à le perpétrer.