Les dirigeants des Etats membres de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) se sont réunis dimanche 30 juillet à Abuja, la capitale du Nigeria. Un seul sujet à l’ordre du jour : le coup d’Etat du Niger qui a renversé le président Mohamed Bazoum.
Réunis en « sommet spécial », les dirigeants ouest-africains ont donné un délai d’une semaine aux putschistes pour « rétablir le président Bazoum dans ses fonctions ». Un ultimatum accompagné d’une menace de « recours à la force ».
En plus de l’ultimatum, la Cédéao a suspendu « toutes les transactions commerciales et financières » entre ses États membres et le Niger. L’organisation régionale a décidé également « le gel des avoirs des responsables militaires impliqués dans la tentative du coup d’état ».
Il faut préciser ici que la Cédéao a déjà suspendu quatre de ses membres pour raison de coups d’Etat. Il s’agit du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée. Et le Niger vient s’y ajouter.
Avant même la tenue de la réunion de la Cédéao à Abuja, Amadou Abderahmane, le chef de la junte issue du coup d’Etat, a affirmé à la télévision nationale que « l’objectif de cette rencontre est la validation d’un plan d’agression contre le Niger, à travers une intervention militaire imminente à Niamey, en collaboration avec les pays africains non membres de l’organisation et certains pays occidentaux ».
Cette affirmation a été confirmée par le communiqué de la Cédéao, rendu public à la fin du sommet d’Abuja, comportant un ultimatum et une menace d’usage de la force contre les putschistes à Niamey.
La question qui se pose ici est pourquoi cette mobilisation tant en Afrique qu’à Paris, Bruxelles et Washington contre le coup d’Etat au Niger, une mobilisation qui tranche avec l’inaction observée dans les cas du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso ?
Tout d’abord, au Niger, on compte quatre bases militaires françaises, une base militaire américaine et une autre allemande, comptant ensemble quelque quatre mille soldats.
Ensuite, le Niger est un grand producteur d’uranium, et sa perte signifierait pour la France une menace pour le fonctionnement des centrales nucléaires et une sérieuse perturbation du réseau électrique français.
Enfin, le plus important et le plus urgent pour la Cédéao et surtout pour l’Occident, c’est d’arrêter cet « effet domino », générateur de renversement d’alliances en Afrique au profit de la Chine et de la Russie et au détriment des pays occidentaux, la France étant jusqu’à présent la principale victime.
La réalité que Paris, Bruxelles, Washington et les autres refusent de voir est que l’écrasante majorité des 1200 millions d’Africains est convaincue que l’Occident est responsable de tous leurs maux. La preuve, tout le monde l’a vu dans les rues de Bamako, Ouagadougou, Conakry, et, il y a quelques jours, dans les rues de Niamey. Dans toutes ces capitales africaines, des foules en fureur ont brûlé la bannière tricolore française et brandi le drapeau russe.
Quelqu’un à l’Elysée ou à la Maison blanche s’est-il demandé pourquoi ? Quelqu’un dans ces lieux qui respirent la richesse, le luxe et le confort a-t-il tenté de comprendre pourquoi les foules africaines ne ratent pas une occasion pour conspuer l’Occident et acclamer la Russie ?
Non, là-bas, on préfère voir la main de Moscou ou de Pékin derrière tout trouble en Afrique. On préfère pousser des cris de vierges effarouchées sur « les atteintes à l’ordre constitutionnel et à la démocratie ».
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Il y a soixante ans, au moment de son indépendance, le Niger était le pays le plus pauvre du monde. Après plus de six décennies de « bonnes relations » avec l’Occident en général et la France en particulier, il est toujours le pays le plus pauvre du monde. C’est là où se trouve le nœud du problème et non dans « les complots » que fomentent, selon Biden & Co., Moscou et Pékin contre l’ordre constitutionnel et la démocratie en Afrique.