Le pouvoir d’achat des Tunisiens subit une érosion structurelle, a affirmé Lotfi Riahi, président de l’Organisation tunisienne de l’information du consommateur (OTIC). Il a déclaré que malgré un ralentissement officiel de l’inflation en 2025, les pressions quotidiennes sur les budgets des ménages ne se relâchent pas.
Selon Riahi, les données de l’Institut National de la Statistique, qui font état d’un taux d’inflation d’environ 5,3% en juillet et 5,0% en septembre – son plus bas depuis 2021 –, ne reflètent pas avec précision la réalité vécue par les familles. Le revenu mensuel réel n’a pas suivi la hausse des prix des produits de base comme l’alimentation, le logement, le transport et la santé. En conséquence, une grande partie des ménages consacre désormais plus de 30% de ses dépenses à la nourriture seule, un chiffre pouvant atteindre 40% pour les foyers à faible revenu.
Le « déficit réel » du pouvoir d’achat, une réalité comportementale
Le président de l’OTIC a précisé que le point de « déficit réel » du pouvoir d’achat est atteint lorsque le revenu mensuel devient incapable de couvrir les besoins fondamentaux sans compromettre d’autres droits essentiels. Ce déficit se manifeste par des choix contraints, comme opter entre une alimentation équilibrée et des soins médicaux, ou entre les frais de transport et l’éducation des enfants.
Il a indiqué que ce phénomène se mesure désormais à travers le comportement de consommation lui-même. Le recul vers des alternatives alimentaires de moindre qualité, le report de soins médicaux ou la réduction des dépenses d’éducation et de culture sont des signes clairs de déséquilibre financier. Il a alerté sur le fait que ces pratiques, autrefois cantonnées aux catégories vulnérables, touchent désormais des segments de la classe moyenne, historiquement élément d’équilibre économique et social.
Riahi a ajouté que ce déficit apparaît aussi quand le revenu perd sa flexibilité, faisant qu’une augmentation minime des prix ou un imprévu devient une cause directe de recours à l’endettement. Il a qualifié cette situation d’érosion structurelle ayant des effets directs sur la stabilité familiale, la cohésion sociale et la confiance dans l’avenir économique.
Pour 2026 : une réforme structurelle axée sur le consommateur
Face à cette situation, Lotfi Riahi a appelé à faire de l’année 2026 un véritable point d’inflexion, passant d’une logique de gestion de crise à une politique de réforme structurelle centrée sur le consommateur.
Il a plaidé pour une protection du pouvoir d’achat réel via l’indexation des salaires et des subventions sur l’inflation tangible vécue par les ménages, notamment pour l’alimentation, le transport et la santé. Une révision des politiques fiscales indirectes est également impérative, selon lui, pour alléger le fardeau pesant sur les classes moyennes et vulnérables et assurer une répartition plus équitable des charges.
L’amélioration de la qualité des services publics (transports, santé, administration) constitue un autre pilier essentiel, tout recul se transformant en coût supplémentaire pour le citoyen. Il a également souligné la nécessité de soutenir le produit national par des politiques stimulant la qualité, l’innovation et la concurrence loyale, tout en limitant l’importation de produits ayant un équivalent local.
Enfin, le renforcement d’un système de contrôle permanent, dissuasif et transparent sur les marchés, en particulier dans les secteurs sensibles, demeure indispensable.
La protection du consommateur, un investissement pour la paix sociale
Lotfi Riahi a conclu en affirmant que toute réforme qui ne part pas de la réalité quotidienne du consommateur restera un discours théorique à l’impact limité. Il a insisté sur le fait que la protection réelle du consommateur n’est pas un coût pour l’économie, mais un investissement dans la paix sociale et la justice économique. Une économie qui ne protège pas son consommateur, a-t-il averti, ne sera pas capable d’une croissance réelle ni de construire une confiance durable entre le citoyen et l’État.