Une étude de l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), publiée mardi 2 décembre 2025, place l’intelligence artificielle au cœur d’un choix stratégique pour le pays. Intitulée « L’intelligence artificielle, un levier du rôle social de l’État », elle présente cette technologie comme une opportunité historique de renouveler le pacte social. Tout en soulignant les risques majeurs de son mauvais usage. La problématique centrale est ainsi posée : l’IA sera-t-elle un instrument de justice sociale et de souveraineté, ou un amplificateur des inégalités et des dépendances ?
Le rôle social de l’État, défini comme la garantie du bien-être collectif et l’accès équitable aux services essentiels, est aujourd’hui à un tournant. L’étude identifie l’IA comme un vecteur majeur d’accélération du développement socio-économique, capable de transformer les pratiques dans les secteurs vitaux comme la santé, l’éducation ou les transports. Elle pourrait optimiser les ressources et améliorer la qualité des services publics.
Cependant, l’enjeu est double. Cette technologie structurante peut soit corriger les déséquilibres sociaux, soit les aggraver dramatiquement. L’État se trouve donc face à une obligation de résultat : accompagner l’intégration de l’IA tout en en garantissant l’accessibilité, l’éthique et une finalité sociale claire. Et ce, pour éviter que ses bénéfices ne profitent qu’à une minorité.
L’impératif de souveraineté cognitive : une question de survie stratégique
Au-delà de l’aspect social interne, l’étude insiste sur un défi géopolitique crucial : la souveraineté cognitive. Dans un monde où l’IA est un champ de compétition entre grandes puissances, la Tunisie ne peut se contenter d’être une simple consommatrice de technologies étrangères. Une telle passivité entraînerait une dépendance accrue et une vulnérabilité numérique. La maîtrise de la chaîne de valeur, de la gestion des données nationales au développement de modèles adaptés aux réalités tunisiennes, devient un impératif de sécurité nationale. L’étude estime que la Tunisie dispose d’atouts uniques, comme sa jeunesse instruite et son tissu entrepreneurial, pour devenir un laboratoire de modèles d’IA centrés sur l’humain, éthiques et inclusifs.
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La condition sine qua non : une transformation humaine et politique
L’étude de l’ITES est claire : l’intelligence artificielle ne se substitue pas à la volonté politique ; elle en modifie les conditions d’exercice. Elle offre des outils puissants, mais son succès dépend d’un projet de société partagé. La transformation qu’elle induit est avant tout humaine et politique. Cela suppose un équilibre entre ouverture aux meilleures pratiques internationales et préservation des spécificités locales. Cela exige également une capacité à mobiliser et retenir les compétences pour inverser la fuite des cerveaux, et une responsabilité accrue des institutions dans l’orientation du progrès technologique au service du bien commun.
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La Tunisie se trouve donc à la croisée des chemins. L’IA représente bien plus qu’une simple modernisation technologique. Elle est une épreuve de vérité pour son pacte social et sa souveraineté. Saisie comme un levier délibéré de justice sociale et d’émancipation cognitive, elle peut contribuer à renouveler la confiance entre l’État et les citoyens. Dans le cas contraire, elle risquerait d’affaiblir encore davantage la cohésion sociale et l’indépendance du pays. Le temps n’est plus à l’observation, mais à l’action politique éclairée et déterminée.