Une majorité de Tunisiens observe l’essor de l’intelligence artificielle (IA) avec un mélange d’intérêt et de réserve. C’est ce que révèle un sondage national conduit en octobre 2025 par le cabinet Emrhod Consulting, de Nabil Bellâam. Et ce dans le cadre d’un forum scientifique consacré aux usages numériques émergents.
Relayée par nos confrères d’Express FM, l’étude, menée auprès de 1 200 personnes, dresse le portrait robot d’un public qui découvre encore l’IA, et donc loin d’en maîtriser les contours. Seuls 8 % des répondants déclarent l’utiliser régulièrement ou en comprendre le fonctionnement. Plus de la moitié (55 %) possèdent une connaissance de base. Tandis que 18 % se limitent à connaître le terme sans en saisir le sens. Et 18 % avouent n’en avoir jamais entendu parler.
Lorsqu’ils pensent à l’IA, 63 % des sondés y voient avant tout un outil de recherche d’informations. D’autres y perçoivent un moyen d’accélérer les tâches quotidiennes (27,7 %), ou une menace pour l’intelligence humaine (22 %). Les réseaux sociaux constituent le principal espace d’exposition à l’IA (43 %), suivis par les établissements d’enseignement (38 %).
Une confiance mesurée dans la machine
L’enquête souligne une confiance sélective : les Tunisiens privilégient encore l’humain dans les domaines jugés sensibles. En santé, 78 % affirment faire davantage confiance au jugement d’un médecin qu’à une décision issue d’un algorithme. À l’inverse, dans des secteurs plus techniques comme la traduction, 70 % se tournent vers les outils d’IA. L’équilibre reste fragile : 68 % des personnes interrogées se disent « modérément confiantes » dans l’intelligence artificielle, estimant que son évolution rapide rend difficile toute évaluation durable de ses impacts.
Des émotions contrastées
Face à l’essor de l’IA, les réactions varient. Près de 43 % des Tunisiens se disent indifférents. Alors que 32 % ressentent inquiétude ou anxiété. La curiosité n’est exprimée que par 9 %, mais atteint 41 % chez les citoyens les plus instruits et familiers de ces technologies. Seuls 7 % se montrent enthousiastes et 5 % se disent émerveillés par les capacités de l’IA.
Désinformation et dépendance : les craintes dominantes
Les principales appréhensions concernent les fausses informations générées par l’IA, la confusion entre réalité et contenu artificiel (57 %), ainsi que l’utilisation malveillante de ces technologies.
La perte de créativité humaine et la dépendance aux machines figurent également parmi les risques cités. Environ 42 % des sondés pensent que l’IA remplacera l’humain dans de nombreux métiers au cours des prochaines années.
Cependant, l’étude met en évidence un consensus autour de la nécessité d’un encadrement réglementaire et éducatif.
Ainsi, les participants plaident pour une réglementation claire des usages, une protection accrue des données personnelles; mais aussi un contrôle renforcé de l’accès des enfants à ces technologies. La prévention des dérives cybercriminelles figure aussi parmi les priorités évoquées.
Pour Nabil Bellâam, directeur d’Emrhod Consulting, « l’intelligence artificielle doit être envisagée comme un levier de progrès, mais elle exige une gouvernance responsable ». Il appelle à une stratégie nationale concertée, conciliant innovation, éthique et inclusion numérique.