La parité EUR/USD, souvent perçue comme une donnée lointaine réservée aux cambistes, se révèle en réalité un baromètre direct de notre quotidien. Car derrière les chiffres froids des marchés internationaux, ce sont nos importations, notre dette extérieure et la valeur du dinar qui se jouent.
Après la chute de la semaine dernière, l’euro tente de reprendre des couleurs face au dollar, porté par les espoirs d’un assouplissement monétaire de la Réserve fédérale américaine.
Pour autant, la Fed reste prisonnière de son dilemme : baisser ses taux pour soutenir l’activité, au risque de relancer l’inflation, ou maintenir sa fermeté pour ne pas laisser filer les prix. Ce bras de fer entre « faucons » et « colombes » se reflète immédiatement sur les marchés des changes.
Sans rentrer dans le débat récent concernant la dépréciation du dinar, on peut relever qu’en Tunisie, chaque frémissement de la paire EUR/USD a des conséquences concrètes. Quand l’euro se renforce, nos importations européennes – machines, biens de consommation, produits agroalimentaires – deviennent plus coûteuses. À l’inverse, un dollar qui faiblit allège temporairement notre facture énergétique et le service de la dette libellée dans cette devise. Mais ce jeu d’équilibre demeure précaire, car nous dépendons fortement des deux zones monétaires à la fois.
Cette semaine, deux indicateurs américains retiennent l’attention : la croissance du PIB et l’indice (PCE), mesure favorite de la Fed pour suivre l’inflation. Un signal de solidité économique aux États-Unis renforcerait mécaniquement le dollar, accentuant la pression sur un dinar déjà affaibli. Une mauvaise surprise, au contraire, redonnerait un peu d’air à l’euro – et donc à notre équilibre fragile.
Techniquement, les marchés surveillent deux seuils : 1,1730 comme ligne de défense des acheteurs, et 1,1840 comme résistance clé. La cassure de l’un ou l’autre de ces niveaux décidera de la prochaine tendance. Mais au-delà des graphiques, c’est bien la réalité tunisienne qui se joue : la BCT n’a d’autre choix que de suivre ce ballet monétaire et d’ajuster en permanence sa stratégie pour éviter que le dinar ne cède davantage face aux chocs extérieurs.
En clair, l’euro et le dollar se livrent une bataille à New York, mais c’est Tunis qui en paie la facture.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)