L’assassinat d’un musulman dans une mosquée, au sud de la France (dans le Gard), vient ponctuer la montée du discours xénophobe et islamophobe, devenu banal dans la vie publique française. Signe d’une panique identitaire et d’une incapacité politique à prendre acte du nouveau visage de la France.
Le sentiment de méfiance par rapport à la chose musulmane va grandissant, illustré en France par l’instrumentalisation politique autour des manifestations visibles – ostentatoires – de l’identité musulmane (mosquée, port du voile, etc.).
Les débats récurrents sur l’intégration et l’identité nationale témoignent d’une tension sociale et d’un questionnement existentiel liés notamment à cette présence musulmane.
Mais à quoi celle-ci correspond vraiment?
L’islam, ennemi symbolique et culturel
L’islam est devenu le punching-ball préféré des polémistes français, qui dominent l’espace médiatique et politique. Ces derniers sont convaincus de l’incompatibilité entre l’islam et la liberté, l’islam et la démocratie, sur fond d’anxiété identitaire. Les citoyens français (ou non) musulmans (ou du moins apparemment) se trouvent ainsi prisonniers d’une chaîne de présomptions ou de soupçons : Arabes/musulmans, musulmans/islamistes, islamistes/terroristes… Un discours agressif, qui s’exprime depuis la fin de la guerre froide et s’inscrit dans une histoire moderne : le regard porté sur les sociétés arabo-musulmanes fut transposé à la présence musulmane en Occident.
L’islam est devenu le punching-ball préféré des polémistes français, qui dominent l’espace médiatique et politique. Ces derniers sont convaincus de l’incompatibilité entre l’islam et la liberté, l’islam et la démocratie, sur fond d’anxiété identitaire.
L’islam est devenu aux Etats-Unis comme en Europe un problème de politique étrangère, mais aussi une question de politique intérieure. La présence musulmane étant perçue à la fois comme une menace sécuritaire et identitaire.
Quels musulmans ?
La « communauté musulmane » à laquelle se réfère le système politico-médiatique se situe entre la pure fiction et la construction artificielle d’une « communauté imaginaire ». D’un côté, elle englobe un ensemble d’individus dans une masse informe, un Autre qui prend les traits d’un ennemi intérieur. De l’autre, elle suscite chez les personnes de confession ou de culture musulmane une réaction de repli sur soi de nature à forger un lien communautaire nourri par un sentiment d’exclusion et de stigmatisation.
Au lieu d’être considérés comme citoyens et membres de la communauté nationale, les individus de confession ou de culture musulmane sont perçus à travers un regard racialisé, occupé de spécificités ethno-culturelles, desquelles on déduit l’appartenance présumée à une communauté supposée.
Contraire à la conception de la République, cette représentation est sociologiquement infondée. Le label « communauté musulmane » ne correspond à nulle catégorie sociale homogène ou à un quelconque bloc monolithique. Les individus musulmans – car il s’agit d’abord d’individualités – ont (par définition) une identité plurielle. Celle-ci nourrit une hétérogénéité collective qui discrédite l’idée même de «communauté musulmane ».
Contraire à la conception de la République, cette représentation est sociologiquement infondée. Le label « communauté musulmane » ne correspond à nulle catégorie sociale homogène ou à un quelconque bloc monolithique.
Ainsi, malgré des origines sociales le plus souvent modestes et l’appartenance d’une majorité d’entre eux aux classes sociales défavorisées, l’accès à l’enseignement supérieur et l’augmentation du nombre/niveau de diplômés/diplôme est source de distanciation intergénérationnelle (parents/enfants) et de diversification des profils et parcours socioprofessionnels intra-générationnelle. Ce sont des médecins musulmans qui assurent les services d’urgence au sein des établissements hospitaliers…
Cette hétérogénéité sociale se trouve confortée par un rapport diversifié à la foi – une même personne peut se considérer de culture musulmane tout en étant athée – et à la pratique religieuse. Cette diversité s’explique par une affirmation de l’individualité (les musulmans existent d’abord en tant qu’individus), mais aussi par l’absence d’uniformité au sein d’une religion non hiérarchisée, traversée par de nombreux courants doctrinaux.
Derrière les polémiques, il y a encore et toujours l’expression d’un refoulé colonial. Malgré les bouleversements (la France n’a plus d’Empire, son corps social est de moins en moins rural et catholique) et l’accélération de l’Histoire, l’« idéal colonial » perdure dans les imaginaires et représentations. Un inconscient colonial qui continue de nourrir un regard et des préjugés sur des individus musulmans, descendants d’anciens territoires (perdus) de la République, des citoyens encore identifiés comme immigrés, condamnés à une perpétuelle assignation identitaire bien que nationaux depuis deux ou trois générations…